Le procès et l'exécution par pendaison sur fond de show médiatique de Saddam Hussein s'est rapidement transformé en violent réquisitoire contre l'Amérique et l'administration Bush. La gestion toute politique, à mille lieux du droit sous le signe duquel les Américains avaient placé le procès de Saddam promettant de dévoiler la vérité, toute la vérité, rien que la vérité sur le régime de l'ancien président irakien, ne pouvait que déboucher sur les images d'une justice d'un autre âge que les Américains en total accord avec le gouvernement irakien ont pitoyablement offert aux Irakiens et à l'opinion internationale. Dans le plus pur style hollywoodien, les Américains érigés en (mauvaise) conscience de l'humanité ont tenu à ce que le châtiment de Saddam emprunte aux téléréalités show américains, qui fondent la société de l'information et de la communication de ce pays, la technologie et le jeu des émotions et des antagonismes du bien et du mal avec au bout un classique happy end symbolisé par la victoire des forces du bien sur les forces du mal. Après avoir contrôlé de bout en bout le procès de Saddam Hussein et décidé de la sentence à lui infliger et de son mode d'exécution qui remonte, faut-il le rappeler, au lendemain même de l'investiture du gouvernement intérimaire irakien dont la première décision fut le rétablissement de la peine de mort, l'administration américaine qui a la haute main sur les institutions irakiennes s'offre une « belle messe » en programmant minutieusement le moment de l'exécution de la peine. Le jour de l'Aïd El Adha, une fête qui symbolise la purification de l'âme des musulmans par le rituel du sacrifice du mouton et la veille de la célébration de la saint Sylvestre pour la communauté chrétienne. La fête que le président Bush voulait dédier aux deux communautés musulmane et chrétienne en faisant coïncider volontairement les deux événements s'est transformée pour son administration en cauchemar et en un jour noir à inscrire dans les pages peu glorieuses de l'Histoire au regard des réactions dont il a sous-estimé l'étendue que le sort réservé à Saddam a suscité dans le monde arabe et musulman ainsi que dans les capitales européennes. Un geste dont le président américain et ses conseillers ont sous-estimé la portée et les retombées sur l'Irak, dans la région et sur le projet américain du GMO (Grand Moyen-Orient). Passé l'effet de surprise, l'onde de choc ne manquera pas de se faire sentir y compris aux Etats-Unis d'Amérique où la question de la peine de mort constitue un thème recurrent du débat politique et de société. Le président Bush, qui est derrière la sentence infligée à Saddam, avait-il vraiment besoin de recourir à un tel procédé qui a choqué et bouleversé l'opinion internationale pour solder définitivement ses comptes avec l'ancien président irakien ? Après les images humiliantes de la capture de Saddam Hussein filmées par l'armée américaine et diffusées par les télévisions du monde entier montrant des soldats américains retirant du fond de son refuge l'ancien président irakien et le faisant examiner comme on examine un animal, on passe, après la parodie du procès auquel a eu droit Saddam, au dernier acte du scénario : l'humiliation suprême du président irakien dont la vie ne vaut pas plus que la longueur de la corde au bout de laquelle il a été pendu. Lors des dernières élections américaines où le parti républicain de George W. Bush a laissé beaucoup de plumes, les Américains, à travers les résultats du scrutin, avaient clairement sanctionné le président américain pour son intervention militaire en Irak et la gestion de la crise irakienne. Le président Bush avait pris publiquement acte du message de l'électorat américain, promettant un recentrage de sa politique irakienne tout en reconnaissant à mots couverts l'échec de l'aventure américaine en Irak. A défaut d'un bilan concernant les objectifs visant l'instauration de la démocratie, le développement et la reconstruction de l'Irak que les Américains s'étaient fixés en occupant ce pays en 2003 et en renversant le régime de Saddam Hussein, Bush n'a que cette maigre consolation, la tête de Saddam à offrir aux Irakiens et à tous ceux qui en dehors de l'Irak ont fêté dans la joie l'exécution de l'ancien président irakien et se sont délectés des images de son supplice. Cette pseudo victoire de l'administration US qui s'efforce de transformer une défaite, un échec de sa politique en Irak, en gain en exhibant fièrement le scalp de Saddam, en guise de butin de guerre, ne trompe plus personne aujourd'hui. Certes, Saddam ne narguera plus les Américains et ses juges irakiens du fond de son box des accusés, mais sa disparition règle-t-elle pour autant la crise irakienne ? La réponse fut donnée hier lors de l'inhumation de l'ancien président dans son village natal qui a drainé une foule nombreuse et par la recrudescence des attentats dans le pays dans les heures qui suivirent l'exécution de Saddam.