Abdelouahab Keramane, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, et Abdennour Keramane, ancien directeur général de Sonelgaz et ancien ministre de l'Industrie, inculpés dans l'affaire El Khalifa Bank, dont le procès s'est ouvert à Blida le 8 janvier 2007, font parvenir à la presse la déclaration suivante. « Nous avons décidé de ne pas nous présenter devant le tribunal de Blida parce que nous sommes convaincus que l'utilisation de l'affaire Khalifa pour nous inculper relève exclusivement de considérations politiques et que nous ne voulons pas être associés au simulacre de justice qui nous a été préparé. Le rejet par la Cour suprême des pourvois formulés contre l'arrêt de la chambre d'accusation du tribunal de Blida de juillet 2006, nous renvoyant devant le tribunal criminel, est un pas significatif franchi dans la mise en œuvre d'une stratégie délibérée visant, depuis l'été 2004, à faire de Abdelouahab Keramane le bouc émissaire dans l'affaire Khalifa en le présentant comme le « complice » et « l'associé des malfaiteurs ». Ce rejet par la Cour suprême — qui entérine toutes les violations du droit commises depuis l'initiation de l'instruction en septembre 2004 et qui ne respecte pas lui-même les dispositions du code de procédure pénale — est un signe manifeste de l'instrumentalisation du pouvoir judiciaire. Dès le lendemain de la première audition en septembre 2004, les informations communiquées à la presse avaient été distillées par le parquet, qui violait ainsi ouvertement les règles les plus élémentaires du secret de l'instruction. D'autres communications ont été régulièrement signalées par la presse comme provenant « de source judiciaire », l'objectif évident visé par cette source, relayée d'ailleurs parfois par des déclarations publiques de certains membres du gouvernement, étant de faire passer dans l'opinion publique ce « bouc émissaire » ainsi préparé, à partir de rien, dans des officines. Nous affirmons solennellement que les accusations portées contre nous n'ont aucun fondement et qu'elles sont le résultat d'une machination grossière, d'un montage préétabli et sans consistance. Formulées a priori par parti pris et notifiées dès les toutes premières convocations du juge d'instruction, elles ont été totalement maintenues jusqu'à la fin de l'instruction, malgré les déclarations des prévenus et les nombreux documents et pièces remis au magistrat pour réfuter les accusations portées par le parquet. Bien que l'instruction ait été l'occasion pour nous d'apporter largement les réponses à ces accusations, ces explications n'ont donné lieu à aucune vérification et le magistrat instructeur en a, dans ses conclusions, nié l'évidence et n'a tenu aucun compte des faits apparus et constatés par lui-même ; sans les justifier au regard des lois, la chambre d'accusation a présenté de façon indue des qualifications pénales préalablement arrêtées comme conclusions de ces investigations. Que la Cour suprême ne trouve rien à redire à une telle pratique est proprement inacceptable. Nous n'avons bénéficié ni de cartes de crédit, ni de prêt bancaire non remboursable, ni de don, ni d'aucun avantage, de quelque nature que ce soit, et l'instruction l'a amplement établi. Les enquêtes de moralité effectuées qui ont édifié les magistrats instructeurs eux-mêmes ont pu vérifier que nous ne possédons ni terrain, ni immeuble de rapport, ni usine, ni exploitation agricole, ni fonds de commerce. A ce jour et après plusieurs dizaines d'années d'exercice de hautes responsabilités, nous vivons tous du produit de notre travail et, plus précisément aujourd'hui, de nos retraites. Depuis septembre 2004, malgré la violence des harcèlements subis par nous et nos familles, nous avons évité toute polémique en dépit des sollicitations de la presse nationale ou internationale et nous avons respectueusement joué le jeu de la procédure en répondant à toutes les demandes d'éclaircissements formulées par la justice. Mais celle-ci ne tient aucun compte des éléments que nous lui fournissons et persiste dans ses inculpations sans fondement. Dans ces conditions, le fait de voir confirmée par la Cour suprême notre inculpation pour « complicité de vol en réunion, complicité d'association de malfaiteurs et d'abus de confiance » alors qu'il n'existe strictement rien dans le dossier judiciaire pour soutenir cette accusation démesurée constitue, en droit, une véritable voie de fait, à laquelle nous avons décidé de ne pas nous soumettre. Nous sommes aujourd'hui convaincus que le dossier nous concernant n'est pas un dossier judiciaire, mais un dossier politique, que les « coupables » dans l'affaire sont déjà désignés. Aussi, nous ne voulons pas participer à une parodie de justice que constituerait un procès dans lequel nous serait attribué le rôle de bouc émissaire : celui, classique, du cadre gestionnaire de l'Etat, sans protection parce que libre de toute allégeance, professionnellement compétent, donc soigneusement choisi pour constituer le nuage de fumée idéal pour dissimuler les véritables responsables ainsi que les véritables bénéficiaires de l'affaire Khalifa. Nous réaffirmons avec force notre innocence totale dans une affaire où il convient de rechercher la vérité et de situer les responsabilités effectives, non de désigner des boucs émissaires ou de régler des comptes politiciens. Nous avons déjà eu notre part, comme d'autres responsables et cadres du pays, de ces longs et violents harcèlements judiciaires et médiatiques dont beaucoup, mais pas tous, se sont achevés par des non-lieux montrant de façon éclatante le caractère politique des chasses aux sorcières. Nous tenons à attirer l'attention de l'opinion publique sur les dérives graves qui découlent de l'utilisation abusive, arbitraire, illégale et discrétionnaire de l'appareil judiciaire à des fins autres que l'application des lois. »