Connue pour sa grande connaissance de l'Afrique, Mme Maya Salhi donne un aperçu du poids des obligations que suppose le souhait affirmé par de nombreux Etats du continent de développer l'énergie nucléaire. Un souhait réitéré à l'occasion de la tenue, mardi, à Alger, des travaux de la 1re Conférence régionale africaine sur l'énergie nucléaire. Pensez-vous qu'avec toutes les assurances données par les pays africains, les Occidentaux laisseront le continent accéder à l'ère du nucléaire ? Avant de savoir ce que peuvent bien penser les Occidentaux sur la question, il faut d'abord retenir le fait qu'il existe un principe qui reconnaît aux Etats africains le droit d'utiliser le nucléaire à des fins pacifiques ou civiles. Il s'agit là d'un aspect qu'il est important de souligner. Néanmoins, il apparaîtrait que ce droit se trouve en contradiction avec les impératifs liés à la non-prolifération. Mais, de mon point de vue, et il s'agit là d'un avis partagé par beaucoup, les deux problématiques peuvent être conciliées dans la mesure où le droit à une utilisation pacifique de l'énergie nucléaire s'inscrit, dans le cas de l'Afrique, dans une stratégie de développement. Donc, selon vous, les Occidentaux laisseront faire ! Est-ce que les Occidentaux vont laisser faire ? Il est évident qu'ils sont plutôt rétifs à l'idée d'entendre les Africains réitérer avec plus d'emphase leur volonté d'investir dans le développement des technologies nucléaires. Il faut avouer que le rapport actuellement entre l'Afrique et l'Occident est, sur cette question précise, caractérisé par la méfiance et la frilosité. Justement, il est nécessaire d'œuvrer, à l'avenir, de telle sorte à amener petit à petit les pays occidentaux à participer avec les Etats africains dans le développement de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Bien entendu, cela passerait par une identification des créneaux susceptibles de donner naissance à une sorte de partenariat entre le Nord et le Sud. Et à ce propos, il faut reconnaître aux pays africains le mérite d'avoir mis en exergue une nouvelle fois leur volonté politique d'aller dans cette direction. Cela est important dans le rapprochement des points de vue. Vous suggérez que l'acquisition par l'Afrique de la technologie du nucléaire passe inévitablement par la mise en place d'une coopération avec le Nord ? Oui. Il me semble que pour rompre avec ce climat de méfiance ambiant, il est souhaitable que les pays africains soient transparents dans leur programme d'utilisation de l'énergie nucléaire. La transparence et la lisibilité sont des facteurs importants qui, certainement, concourront à instaurer la confiance recherchée. Cela devrait ouvrir graduellement la voie à un transfert du Nord vers le Sud de la technologie nucléaire. Il est évident que, pour l'heure, les pays occidentaux ne sont pas favorables à l'instauration d'un partenariat global dans le domaine de l'utilisation de l'énergie nucléaire. Mais, cela dit, il faut avancer progressivement dans le sillage du droit à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. Tout est possible. … Cela d'autant que les inspecteurs de l'AIEA ont un droit de regard sur tout ! Effectivement. Il faut savoir que tout programme de développement de l'énergie nucléaire est soumis d'emblée à un contrôle. Cela à partir du moment où l'on a ratifié le Traité de non-prolifération (TNP). Ce traité est également accompagné des accords de garanties qui permettent de contrôler toute utilisation pacifique de l'énergie nucléaire. A ce propos, il est attendu des pays africains, pour ceux d'entre eux qui ne l'auraient pas encore fait, qu'ils investissent ces conventions internationales et s'obligent à respecter les dispositions conventionnelles. A l'occasion, il y a lieu de rappeler que le traité de Pelindaba qui est destiné à faire de l'Afrique une zone exempte d'armes nucléaires n'est pas encore entré en vigueur à cause du fait que de nombreux pays ne l'ont pas encore ratifié. Je pense que l'un des objectifs de cette 1re Conférence d'Alger sur le nucléaire aura été justement de contribuer à sensibiliser les Etats pour qu'ils intègrent le processus conventionnel existant.