La décision de la privatisation de la laiterie de Draâ Ben Khedda (filiale de l'ex-Orlac) a provoqué un tollé général auprès de la section syndicale de cette société. Dans sa lettre ouverte au président de la République, le collectif des travailleurs dénonce la manière d'agir des pouvoirs publics, qualifiée d'« irresponsable », pour la cession de la laiterie. La célérité avec laquelle l'accord de principe a été donné au seul et unique repreneur « potentiel » (personne physique) serait, selon le secrétaire général de la section syndicale, Sekaï Mohamed, en contradiction avec le code des marchés publics. Les travailleurs s'interrogent : « Comment une société stratégique, créée en 1974, devenue la carte d'identité de la région de par l'abondance des produits de première nécessité et de meilleure qualité, sera-t-elle cédée à un fabricant clandestin et non professionnel ? » « Il fait l'objet d'une suspension de production depuis 2004, et pour cause, son produit est impropre à la consommation », ajoute M. Sekaï, non sans désolation. Les chefs de daïra et les présidents des APC de la wilaya ont été alertés par la direction du commerce de Tizi Ouzou, en novembre 2006, sur les dangers de la commercialisation des fromages produits par l'entreprise de ce repreneur (voir El Watan du 8 janvier 2007). L'offre de ce repreneur, estimée à 80 milliards de centimes, est, selon notre interlocuteur, dérisoire par rapport à la valeur réelle de l'entreprise et à l'estimation des experts qui s'élève à plus de 150 milliards de centimes. « L'offre devait être impérativement rejetée », lance-t-il avec colère. Tout en reconnaissant que l'opération de privatisation « est un fait », notre interlocuteur considère que « les travailleurs ne peuvent pas croire que les détenteurs de la décision finale, qui doivent appliquer les lois de la République, acceptent qu'elle (la privatisation) se fasse au détriment de 350 salariés (emplois directs), mais aussi de 560 emplois indirects (éleveurs, collecteurs de lait cru, distributeurs de lait et produits laitiers) ». Ils estiment en outre que l'appel d'offres pour la cession de la filiale du groupe Giplait « a été lancée dans l'opacité totale » et se sentent « lésés du fait de l'inexistence de dialogue avec le partenaire social qui a été victime d'une censure du début de l'opération à ce jour ». Le chiffre d'affaires que réalise l'entreprise est de 6 millions de dinars par jour. C'est une laiterie bénéficiaire depuis sa filialisation et l'application du plan d'ajustement structurel, qui a transformé la société Orlac (Office régional de lait Centre), en société par actions en 1997. Une compression de 50% de ses effectifs a été effectuée à cet effet. « C'est curieux et même paradoxal de céder ce fleuron de ce qui reste de l'économie locale, qui a réalisé 987 219 534 DA de bénéfices depuis 1997, avec une facilité déconcertante. » En dépit de l'obligation faite aux repreneurs des entreprises publiques de protéger les travailleurs, les syndicalistes rejettent, dans le fond et dans la forme, cette décision. « Il devait y avoir, selon la réglementation, au moins trois repreneurs. Notre société est en tête des dix-neuf filiales du groupe, en matière de performances économiques. Seules trois sociétés réalisent de bons résultats », a tenu à préciser notre vis-à-vis. Le collectif des travailleurs n'a pas manqué, dans une déclaration rendue publique en novembre 2006, de demander l'application de la convention collective de branche et prévoir une indemnisation de départ pour une raison ou une autre des travailleurs, qui émettent le souhait de cesser la relation de travail (avant toute négociation concernant cette cession). Tout en affirmant que la société rencontre plusieurs problèmes, entre autres la cherté des matières premières (poudre de lait et ferments), le manque d'investissements et d'extensions depuis 1994 et l'absence d'une politique de recrutement et de formation, la laiterie affiche toujours des bilans positifs. Avec un personnel capitalisant une longue expérience et des produits (lait, lait fermenté et fromages) prisés sur le marché, l'entreprise est confrontée à une situation désolante. La société transforme 10 t de poudre de lait par jour et une moyenne de 30 000 l de lait cru/jour pour produire près de 150 000 l de lait pasteurisé. Par conséquent, la laiterie de Draâ Ben Khedda suscite plusieurs convoitises. Les travailleurs aspirent « à plus de considération et au respect des orientations du président de la République pour empêcher ce bradage, faute de quoi la protestation continuera ».