De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La décision de privatiser la laiterie de Draa Ben Khedda (filiale de l'ex-Orlac), entreprise située à 11 kilomètres à l'ouest de Tizi Ouzou, rendue publique au mois d'avril dernier, fait toujours des vagues au sein des travailleurs et de l'opinion locale et régionale. Voyant qu'un repreneur avait réussi à décrocher la cession de leur entreprise, et peut-être en désespoir de cause, les quelque 340 travailleurs de la célèbre laiterie de Kabylie, dont les fromages étaient appréciés, avaient eu recours au chef de l'Etat dans une lettre ouverte, qui a laissé indifférents les concernés, et où les maîtres mots étaient «irresponsabilité» et «injustice» à l'endroit des pouvoirs publics. Le syndicat, affilié à l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), organisation syndicale proche des autorités, avait pourtant fait des pieds et des mains pour s'opposer à la manière dont la cession avait été officialisée (ayant déclaré n'avoir rien contre la privatisation) et avait écrit que l'opération était entachée d'«opacité» et que les «conditions» de la reprise par un privé étaient loin de satisfaire à la liste des revendications dressées par le collectif des travailleurs dans le cadre du processus de privatisation des entreprises publiques en cours. La laiterie de Draa Ben Khedda, créée au début des années 1970, est considérée comme l'un des fleurons del'industrie locale et nationale, de l'avis même des professionnels du secteur de l'agroalimentaire. La Société de gestion des participations (SGP) avait jeté son dévolu sur un industriel de la région qualifié de «clandestin», d'«amateur et d'inconnu de la sphère industrielle n'ayant pas le profil requis pour ce genre d'opérations qui mettent en jeu l'avenir de centaines de familles» par le syndicat, lequel avait dénoncé le manque de «transparence» dans la présentation et l'étude de l'offre de cession, notamment le volet social avec toutes les garanties de la préservation de l'outil de travail et de la main-d'œuvre en place, le prix de la transaction et les modalités de son paiement et la mise en place d'un cadre de dialogue et de concertation pour le suivi de chaque étape de la cession. «Le repreneur n'est pas du tout dans le secteur au sens professionnel du terme ; d'ailleurs son entreprise privée a été suspendue il y a quelques mois par les services de la wilaya pour cause de produits impropres à la consommation. Alors comment un soi-disant industriel qui a mis en péril la vie de milliers de vie humaines prétend-il aujourd'hui promouvoir l'industrie du fromage au niveau régional et national ?» affirmait il y a quelque temps un syndicaliste. Ses collègues du syndicat remettaient aussi en cause et dénonçaient le traitement et le rejet de la demande de reprise formulée par les travailleurs et la non-consultation du collectif des travailleurs et du partenaire social. Comme ils soulèvent l'accord de principe donné à un unique repreneur «potentiel en contradiction avec le code des marchés publics…». La section syndicale, qui «ne s'oppose pas au principe de la privatisation», avait déjà rejeté dans le fond et dans la forme cette manière d'agir des pouvoirs publics assimilée à «un bradage de l'entreprise qui ne dit pas son nom». Le syndicat avait jugé «dérisoire» la somme de 80 milliards de centimes du repreneur. L'entreprise, dont le chiffre d'affaires est de 6 millions de dinars par jour et le bénéfice annuel net estimé à 987 219 543 DA, était évaluée à 150 milliards de centimes par le syndicat. «Une laiterie bénéficiaire depuis sa filialisation et l'application du plan d'ajustement structurel, qui a transformé la société Orlac [Office régional du lait Centre], en société par actions en 1997», argumente-t-on du même côté. Pour rappel, la laiterie de Draa Ben Khedda, qui transforme 10 tonnes de poudre de lait pour mettre sur le marché environ 150 000 litres de lait pasteurisé, fait face à la cherté de cette matière première et des ferments sur le marché mondial. La concurrence déloyale, le manque d'investissements divers, l'absence d'une politique de formation figurent au premier rang des obstacles qui ont toujours freiné son extension.