Il n'était ni très grand, ni musclé, ni vraiment beau et sa diction laissait à désirer, mais il dégageait un tel charme et un tel charisme, qu'il séduisit tout le monde. 50 ans après sa mort, Humphrey Bogart, le dur à cuire cynique, figure toujours en bonne place au panthéon d'Hollywood. Pour marquer l'anniversaire du décès de cette icône, emportée par un cancer à l'âge de 57 ans, un quartier de New York a été rebaptisé Humphrey Bogart Place. Celui qui a vu grandir l'acteur du Faucon Maltais. L'inauguration a eu lieu en présence de Lauren Bacall, qui fut sa femme de 1945 à sa mort. La légende de l'inoubliable Bogart, à la carrière aussi tardive que fulgurante, reste vivace, selon des experts du cinéma. Abonné aux seconds rôles de gangsters, c'est à l'âge de 41 ans, en 1941, que ce comédien perce enfin, en tête d'affiche, dans Le Faucon Maltais de John Huston. Le détective privé, Sam Spade, est fascinant. L'année suivante, il enchaîne dans l'un des chefs-d'œuvre absolus du 7e art, Casablanca, de Michael Curtiz. Rick Blaine, cynique propriétaire d'une boîte de nuit qui finit par accepter d'aider son ancienne maîtresse (Ingrid Bergman) et un homme recherché par les nazis, Bogart sculpte sa propre statue. Pour Howard Suber, professeur de cinéma à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), ce qui le rend si séduisant, c'est l'esprit qu'il dégage : l'homme qui ne veut pas se compromettre pour les autres et qui se compromet pour tout le monde. Humphrey DeForest Bogart, qui est né, en 1899 à New York, dans une famille bourgeoise, a joué dans 75 films, dont beaucoup sont de grands classiques : Key Largo, de John Huston et Le port de l'angoisse de Howard Hawks, où il partageait l'affiche avec son grand amour Lauren Bacall, aujourd'hui âgée de 82 ans. Et bien sûr, dans ses dernières années, Ouragan sur le Caine, de Edward Dmytryk et The African Queen, de John Huston, qui lui avait valu l'Oscar en 1952. Du Français Jean-Paul Belmondo à l'Indien Ashok Kumar, nombreux sont les acteurs qui ont reconnu avoir été influencés par celui qu'on surnommait Bogie. D'ailleurs, en 1999, l'Institut du film américain l'a élu « plus grande star masculine de tous les temps ». Alors, la plupart des acteurs d'Hollywood des années 1940 et 1950 recherchaient la perfection physique, Humphrey Bogart a triomphé grâce à un handicap : une paralysie faciale partielle. Celle-ci était due à une blessure reçue lors de son séjour dans la Marine. Elle lui donnait une allure de « diamant brut » pour reprendre l'expression de certains spécialistes. Bogart était donc différent de tous les autres acteurs. Selon George Perry, co-auteur d'un livre sur l'acteur, Bogie - A Celebration of The Life and Films of Humphrey Bogart, sorti ce mois-ci aux USA, le comédien, connu pour son franc-parler, était le héros dont les Etats-Unis avaient besoin, particulièrement dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, lorsque sortit Casablanca. « Le secret du succès de Casablanca, c'est que ce film est arrivé au moment où beaucoup de gens devaient faire des sacrifices dans leur vie sentimentale », comme Rick Blaine, a dernièrement souligné M. Perry lors d'un entretien dans un journal britannique. Bogart aurait été très utile en cette époque aux Etats-Unis, mais il y a peu de chance que lui aurait apprécié de vivre cette époque et son contexte actuel !