Djamel Guelimi est la star du début du procès Khalifa. Il est au courant de tout ce qui s'est passé dans l'empire écroulé. Il lance un flot de révélations. «Vous mangez à toutes les assiettes, vous êtes partout Khalifa Bank, Khalifa Airways, vous importez de la bière...expliquez-moi tout ça!» La présidente de séance, Mme Brahimi impose un rythme fort à celui que le parquet présente comme l'homme de confiance de Khalifa Abdelmoumène, le président-directeur général du groupe Khalifa. Lui, c'est Djamel Guelimi, 42 ans, un rouquin, grand de taille, ami d'enfance de Abdelmoumène et qui fait face au tribunal criminel pour répondre de plusieurs chefs d'inculpation, à savoir, falsification de documents, abus de confiance, transfert illégal de devises, constitution de groupes de malfaiteurs... Il encourt une peine allant jusqu'à 20 ans. Mais à le voir répondre aux question des magistrats, on est tentés de penser qu'il prend du plaisir au jeu des questions-réponses. Prolixe, il parle, parle, parle...jusqu'à citer les moindres détails de ses rencontres avec les éminentes personnalités qui ont gravité autour de la «comète Khalifa». En prenant la précaution de signaler qu'il le faisait suivant les instructions données par Khalifa Abdelmoumène, en personne. Pour le parquet, Djamel Guelimi, représente une source intarissable d'informations. Il fait mine parfois de faire oublier à l'assistance, l'absence du premier concerné par le scandale Khalifa: le président-directeur général du groupe actuellement en fuite en Grande-Bretagne. A son deuxième jour d'audition, Djamel Guelimi a fait d'intéressantes révélations sur les personnes ayant profité de la «générosité» du groupe Khalifa. De hautes personnalités sont citées à l'image de Boudjerra Soltani, qui ne s'est pas encore présenté au tribunal criminel de Blida puisqu'il est cité comme témoin dans cette affaire. Soltani est cité... Djamel Guelimi, l'ex-inspecteur général de Khalifa Airways, aurait, d'après ses dires, reçu au siège de la compagnie, à Paris, le frère de Boudjerra Soltani, suite à une recommandation de Khalifa Abdelmoumène, pour être recruté comme employé de la compagnie en France. Un candidat à l'emploi que Djamel Guelimi trouve qu'il ne répond pas au profil pour ne pas dire à un minimum exigé, à savoir, «parler le français». «Il n'avait pas les capacités requises pour être recruté», dit l'accusé à la barre. Réaction instantanée de la juge: «Vous voulez dire, M.Guelimi, que pour occuper un poste à Khalifa Airways, il suffit de parler le français?» Rires dans la salle. A signaler que c'est la première fois que le nom de Boudjerra Soltani est cité. Il ne sera, d'ailleurs, pas le seul puisque l'accusé livre le nom d'un autre personnage, l'ex-ministre Abdenour Keramane, qui se serait présenté au siège de Khalifa Bank, mais que «le président-directeur général du groupe n'a pas voulu recevoir». Khalifa Abdelmoumène chargera son homme de confiance, Guelimi Djamel, de le faire. L'ex-ministre, qui ne s'est pas présenté au procès et a dénoncé, dans une lettre adressée à la presse, ce qu'il appelle «un procès politique». «Nous avons décidé de ne pas nous présenter devant le tribunal de Blida parce que nous sommes convaincus que l'utilisation de l'affaire Khalifa pour nous inculper, relève exclusivement de considérations politiques et que nous ne voulons pas être associés au simulacre de justice qui nous a été préparé», est-il écrit dans cette lettre. Les deux frères Keramane et leur nièce sont en fuite et risquent d'être condamnés par contumace à la peine maximale pour les chefs d'inculpation pour lesquels ils sont poursuivis. Keramane Abdenour avait bénéficié d'un versement dans un compte en Suisse de la part de Khalifa Bank. Il avait signé deux contrats avec cette banque. Les autres personnages rencontrés par Guelimi Djamel et cités dans le procès sont Lakhdar Belloumi et Meziane Ighil, deux célèbres figures du monde sportif national. Lors de l'instruction du dossier Khalifa, l'ancien capitaine des Verts, Belloumi, avait déclaré qu'il avait eu plusieurs contacts avec l'accusé, chose que nie Guelimi qui déclare l'avoir rencontré seulement à deux reprises. L'une au siège de la banque à Chéraga et la seconde à Paris, lors de la signature du contrat de sponsoring de l'O.Marseille. Le cas d'Ighil Meziane est différent, «c'est un voisin, dit Guelimi, et aussi un ami d'enfance d'Abdelmoumène Khalifa qui, faut-il le signaler, avait joué au NAHD dans la catégorie cadette». Guelimi révélera, à ce sujet, que c'est Khalifa Abdelmoumène qui a eu l'idée de sponsoriser le NAHD, son ancien club, en encourageant Ighil Meziane à prendre la présidence du club. Mis à part Ighil Meziane, inculpé dans cette affaire et faisant partie actuellement des détenus, les autres personnes citées par Guelimi Djamel dans son «histoire» comparaissent comme témoins. Raouraoua et Ighil ne sont pas les seules icônes du monde du football qui seront citées par l'accusé puisque Hannachi, Allik, Messaoudi et Djebari qui sont les présidents de la JSK, l'USMA, le MCA et le MCO ont reçu des subventions de la part de Khalifa Bank dans le cadre du sponsoring. Pour en connaître plus, la juge demande à l'accusé «si c'était lui qui a présenté Ighil à Abdelmoumène». Les avocats de Guelimi bondissent et lancent une flèche en direction de la juge. «Vous êtes en train de le responsabiliser de tous les faits» s'exclament-ils. La présidente de séance replique à Maître Berghel Khaled et sa collègue sur un ton fort. «Retirez ce que vous avez dit!», rétorque-t-elle. «Je suis en train de préparer le terrain à mes questions. Je suis en train de tamiser les faits et sachez que j'ai rabâché le dossier d'instruction pendant toute la nuit jusqu'à trois heures du matin.» Mécontente, elle aura ses excuses et le dernier mot. L'OM et les soirées cannoises Deux autres dossiers ont attiré l'attention de l'assistance et suscité l'intérêt du parquet qui a tout voulu savoir et en détail. Il s'agit des fameuses soirées artistiques et mondaines en France et du contrat de sponsoring du grand club français, O.Marseille. On saura de la bouche de l'accusé qui se dresse devant un micro, que les soirées de Cannes avaient réuni un plateau de choix: des personnalités du cinéma français et américain et des chanteurs français et algériens. Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Pamela Anderson, cheb Mami, Patrick Bruel et bien d'autres stars du show-biz ont reçu à l'occasion des «enveloppes» consistantes. «Combien?» interroge la juge. «Je ne sais pas», répond Guelimi. «D'où provenait l'argent?» questionne Maître Brahimi. «Pas de la caisse de Khalifa Airways», répond Guelimi qui informera l'assistance que l'argent provenait du siège de Khalifa Bank. La présidente de séance s'énerve et lance: «Cet argent est celui des citoyens algériens!» Elle passe alors au contrat de l'OM. Même question et même réponse. Commentaire de Maître Brahimi, la juge du tribunal: «L'OM a été financé avec l'argent des Opgi des caisses de retraites et des citoyens après avoir été échangé au Square Port Saïd en devises». La bourse parallèle de la place d'Alger avait aussi servi à financer l'un des plus grands clubs du football français. Le procès n'est pas à sa dernière révélation. A la prochaine audience.