Arkab reçoit le ministre du Logement et des Terres de la République de Maurice    Opéra d'Alger: ouverture du 14e Festival international de musique symphonique    Algérie-Biélorussie : examen des opportunités de partenariat dans le domaine des infrastructures de stockage agricole    Le ministre égyptien des Affaires étrangères salue le rôle de l'Algérie en faveur des causes arabes    Recensement de 16.000 biens wakfs en Algérie    Première rencontre régionale des journalistes et professionnels des médias à Oran : des recommandations pour soutenir et promouvoir la profession journalistique    Batna : une exposition tout en diversité pour étrenner le mois du patrimoine    Conseil de sécurité : les A3+ exigent un retrait "immédiat et sans conditions" des forces étrangères de Libye    Hadj 2025 : réunion de la Commission intersectorielle permanente    Importance de construire un front médiatique uni pour défendre l'Algérie et son image    Sadaoui annonce la création du "Prix de l'innovation scolaire"    1e Festival national "Printemps d'Oran" en mai à Oran    Oran : M. Meziane préside l'ouverture d'une rencontre régionale réunissant journalistes et professionnels des médias    Journée du Savoir: Chaib participe par visioconférence à une activité organisée par le consulat d'Algérie à Bobigny    L'interdiction par l'entité sioniste des médias internationaux à Ghaza dnoncée    L'Algérie prend acte    L'arbitre Ghorbal hors-jeu...    Malgré le déstockage d'énormes quantités, la pomme de terre reste chère    USMA – CRB en finale    Le Quai d'Orsay et le lobby pro-israélien, principaux soutiens de Boualem Sansal    Les frappes israéliennes continuent de tuer des civils    Un projet et vision de développement de l'art    Diverses activités culturelles au programme    Sport/Jeux Méditerranéens-Tarente 2026: organisation d'un séminaire international pour mettre en lumière les préparatifs    Foot/formation des préparateurs physiques: début du 4ème module à Tipasa    Ouverture officielle de l'appel à candidatures algériennes    Les conditions d'un produit intérieur brut de 400 milliards de dollars et d'une production de 200 milliards de m3 gazeux 2028/2030    Un risque de dévaster les économies les plus vulnérables    Les dernières pluies sauvent les céréales    Plus de 3.600 véhicules volés en 2024 !    «Je reviendrai plus fort et meilleur qu'avant»    Lorsque le stratagème de l'ALN l'emporte face à l'arsenal militaire colonial    Foot/ Coupe d'Algérie 2024-2025 (1/2 finale) : l'USMA donne rendez-vous au CRB pour une finale passionnante    Hamlaoui présente trois projets d'aide pour les femmes du mouvement associatif    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    La Coquette se refait une beauté    Un rempart nommé ANP    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    Création «prochaine» de délégations de wilayas de la société civile    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mostefa Lacheraf. Au nom de son lieu
L'enfant de Aouas
Publié dans El Watan le 18 - 01 - 2007

C'est par ce diminutif affectueux que les habitants de Sidi Aïssa désignent leur ville. Un autre enfant du lieu, Slimane Aït Sidhoum, raconte l'attachement du grand homme à sa source. Enfance, souvenirs heureux, difficile nostalgie aussi.
Mostefa Lacheraf est né à Sidi Aïssa, grande daïra de la wilaya de M'sila. Jusqu'à récemment, la ville n'était même pas visible sur les cartes routières. C'était une sorte de nulle part entre Sour El Ghozlane et Bou Saâda, se situant avant Aïn El Hadjel, la grande halte des routiers et royaume incontesté de la restauration rapide. Et pourtant, Sidi Aïssa a des atouts à faire valoir comme son marché hebdomadaire pittoresque qui draine des milliers de visiteurs chaque semaine, sans oublier les résultats scolaires méritoires obtenus par les élèves de la contrée d'année en année. Il faut dire ici que, contrairement à beaucoup de hauts cadres qui occultent leurs véritables lieux de naissance au détriment d'une appartenance urbaine plus valorisante, Mostefa Lacheraf a fait de Sidi Aïssa une fierté qui transparaît dans toute son œuvre. Dans ses Ecrits didactiques et Des noms et des lieux, il a fait sortir Sidi Aïssa de l'anonymat pour accéder à une universalité amplement méritée. Malheureusement, cette ville le lui rend mal, affectionnant l'ingratitude plus que l'hommage, l'amnésie plus que le souvenir. En effet, rien n'indique dans la ville qu'un des intellectuels algériens les plus brillants a passé son enfance ici. Les établissements scolaires portent des noms le plus souvent sans relation avec l'environnement, mais beaucoup plus au service d'une histoire officielle faite pour consolider le régime politique. La population de la ville, dont la majorité est jeune, a d'autres préoccupations et il ne reste que quelques irréductibles qui essayent de faire vivre une mémoire locale en péril. Beaucoup des amis d'enfance de feu Lacheraf l'ont précédé au ciel. Nous pensons à Alia Hadj Kouider, Nadir et Abdellah Sidhoumi et Si Djaffar. De cette génération de disparus, il ne subsiste que quelques bribes de témoignages, arrachés à l'oubli par des discussions amicales mais rarement transcrits.
Une enfance heureuse
Mostefa Lacheraf avait fréquenté l'école Albert Sarat, située au centre de Sidi Aïssa. Pour les anciens, Albert Sarat était un enseignant humaniste venu du Doubs (région de l'est de la France) avec sa femme au début du siècle passé. Un des condisciples de Lacheraf, Ahmed Ouamar Chabane, né comme lui en 1917, avait bien voulu nous parler de cet écolier modèle qu'il avait connu à la veille de passer le certificat de fin d'études. Ils s'asseyaient tous les deux à la même table. « Il était doux et très intelligent », se souvint Da Chabane avant d'ajouter : « En français, il était toujours le premier mais en calcul c'est moi qui m'imposais ». En deux mots, la personnalité de Lacheraf se dessine, imposante par son exigence et prolifique par son abnégation. Un vrai producteur d'idées et d'analyses pertinentes. Pour revenir au côté anecdotique, Da Chabane est connu aussi pour sa grande érudition et il a bien voulu nous en conter une qui se rapporte au caractère du petit Mostefa. « Ce fut pendant le Ramadhan et Mme Sarat nous posa des questions relatives aux trois religions et les promesses qu'elles faisaient pour la récompense dans l'au-delà, avant de nous demander de qui on se sentait le plus proche ? Au lieu de répondre à la question, la discussion prit une dérive communautaire. Les esprits s'étaient échauffés et chacun défendait sa chapelle. Quand arriva le tour du petit Mostefa, il dit calmement qu'il aimait tout le monde, quelle que soit son origine ou sa région ». Selon toujours l'intarissable Da Chabane, Mme Sarat fut subjuguée par la perspicacité du petit Mostefa. Le lendemain, l'instituteur, sur l'instigation de sa femme et suite à ses constations, fit une leçon de morale sur la tolérance et le savoir-vivre ensemble. Albert Sarat traitait tous les élèves sur un même pied d'égalité malgré toutes les interventions qui se faisaient dans les coulisses, pour favoriser les uns et les autres. Un autre témoignage émane d'une respectable dame de Sidi Aïssa, Mme Denideni qui était aussi la condisciple de Lacheraf. Elle connaissait bien son entourage et spécialement sa mère. Cette dernière était « généreuse » et les sœurs de Mostefa « gentilles et d'un commerce agréable ». A partir de ces deux sources, le fil commence à s'effilocher. Le fait d'avoir quitté Sidi Aïssa pour poursuivre ses études à Alger puis ses séjours à l'étranger ont réduit les souvenirs comme une peau de chagrin.
Nostalgie et oubli
Les fréquentes visites qu'il effectuait dans sa ville natale avaient pour lui une valeur de pèlerinage. Mostefa Lacheraf retrouvait ses anciens camarades et s'affligeait devant le spectacle hideux de son ancienne école. Ce fut à l'époque un bel édifice, construit à la pierre taillée avec un agencement harmonieux et un jardin fleuri. La cloche au bout du préau pendait comme des dattes mielleuses et donnait l'impression d'attendre la main câline du concierge pour libérer une quelconque symphonie. De cet édifice qui faisait la fierté de la ville et un lieu enchanteur pour les yeux, on a fait des logements pour les enseignants. Sur la copie originale on a posé des atours carcéraux, avec des barreaux pour mieux s'enfermer et gâcher la vue du flâneur. Da Chabane m'avait confirmé que feu Mostefa Lacheraf avait versé devant ce spectacle terrifiant de vraies larmes. Le saccage de la mémoire, il en connaissait un rayon, lui qui avait écrit dans l'un de ses articles qu'on pouvait trouver des archives de la nation algérienne, à bon marché, du côté de la rue de la Lyre à Alger. Peut-être qu'il avait aussi une conception de la nation et de la société qui ne cadrait pas avec la culture ambiante. Ici en France où je vis depuis quelque temps, les mêmes questionnements et les mêmes incertitudes sur ce que nous sommes continuent à me hanter. Et en apprenant la triste nouvelle de la disparition de Mostefa Lacheraf, je me suis heurté au même problème d'oubli et d'ignorance. Les étudiants algériens que je fréquente ont vaguement entendu parler de lui. A chaque fois, des mises à jour sont nécessaires, en ayant l'impression d'avoir affaire à des machines dépassées par les innovations technologiques. Qui a dit que l'exil entretenait la mémoire et nourrissait la nostalgie ? Pourtant, les clichés ont la vie dure et Mostefa Lacheraf traquait inlassablement tous les poncifs qui favorisaient la défaite de la pensée. Maintenant qu'il a tiré sa révérence avec la profonde conviction du devoir accompli, il peut prétendre au repos éternel et, du haut du ciel, c'est sûr que ses vœux pour le nouvel an et Yennayer vont vers la cessation de nos travers et de nos errements.
L'auteur de ce texte, universitaire et écrivain, a publié aux éditions Chihab Les Trois doigts de la main et La Faille. Il est fondateur du site web sidi-aissa.com.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.