« Les émeutes d'octobre 1988 ont mis à nu la gestion politique de l'Algérie et l'affaire Khalifa a confirmé que le pays n'a fait aucun pas vers l'installation d'une démocratie réelle, l'émergence d'un Etat de droit et d'une justice indépendante. » Le scandale du siècle est ainsi qualifié par l'avocat et président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), Me Boudjemâa Ghechir, qui, après dix jours du procès Khalifa qui se déroule au tribunal de Blida, interpelle tous les Algériens pour constituer un Etat des institutions avec une justice indépendante, une société civile autonome et surtout un système d'intégrité dont on a, affirme-t-il, plus que jamais besoin. L'avocat ne se fait pas d'illusions sur la volonté politique d'aller en guerre contre le mal de la corruption et proclame au sujet de la nouvelle loi consacrée au phénomène que « c'est une loi qui encourage la corruption, parce qu'elle évite de préciser comment sauvegarder le patrimoine public et encourage en même temps les responsables à ne pas déclarer leur patrimoine et fuir certaines situations ». Cette loi doit être nécessairement révisée, selon Me Ghechir, qui ajoutera que « derrière la plupart des grosses affaires se dissimulent des prête-noms utilisés par de hauts responsables de l'Etat, sinon comment expliquer aussi que Moumen Khalifa devienne milliardaire à 36 ans ». Cafouillage et réticence sont d'autant plus dominants qu'« après une année de l'adoption de la loi anticorruption, le gouvernement est incapable d'installer le mécanisme de protection et c'est pour ça qu'on doit plaider pour un système d'intégrité auquel partis politiques, presse indépendante et société civile doivent participer pour garantir sa fiabilité ». Le déroulement du procès tel que commenté par les observateurs, notamment au sujet d'une direction préétablie qui désigne des lampistes et épargne les décideurs, n'a pas laissé indifférent le président de la LADH. : « Je crois qu'on ne peut pas demander à la juge plus qu'elle ne peut. Elle est liée par un arrêt de renvoi qui définit les inculpés et les chefs d'inculpation et elle est tenue de respecter son contenu. » « S'il y a défaillance, tient-il à souligner, elle se situe au niveau de l'instruction. » L'affaire a démontré aussi que le pouvoir de l'argent prend le dessus sur le pouvoir politique, conclut Boudjemâa Ghechir, qui s'interroge : « Où est cette culture de l'Etat dont parlait le président de la République quand on voit des ministres mendier des billets d'avion, qu'un Raouraoua soit désigné par Khalifa, alors que des personnes achètent les voix pour entrer au Sénat ? Nous nous dirigeons vers un Etat de mafia. »