Tel un leitmotiv, les pouvoirs publics ne ratent jamais une occasion pour rappeler, à tout bout de champ, ce que devra être la mission et le rôle principal de l'Etat depuis le passage de l'Algérie à l'économie de marché, à savoir la régulation. Pourtant, au regard de ce qui est réellement le cas sur le terrain, il est aisé de constater que ce rôle de « l'Etat régulateur » n'est finalement qu'un vain mot. Les monopoles, signe ostentatoire de la déréglementation du marché, subsistent toujours. Qu'ils soient publics ou privés, ces monopoles touchent plusieurs secteurs d'activité et régissent le marché selon leurs propres règles. Les exemples démontrant l'absence criante de l'Etat sont légion.Le cas le plus édifiant est celui de la viande. A l'approche du mois sacré de Ramadhan, le prix de la viande fraîche connaît, chaque année, une montée vertigineuse sans pour autant qu'elle soit due à une baisse de l'offre. C'est également le cas pour plusieurs produits alimentaires (fruits et légumes, légumes sec...). L'Etat, comme c'est le cas cette année pour la viande fraîche, recourt souvent, faute d'une régulation préalable du marché, à l'importation. Au lieu de jouer pleinement son rôle de régulateur unique, l'Etat régule le marché à coups d'interventions provisoires. Ce constat d'échec, du moins pour le moment, en matière de régulation en Algérie est partagé par plusieurs experts et économistes au fait de l'économie nationale. L'appréciation faite à cet égard par l'économiste Lamiri Abdelhak est significative. D'après lui, la régulation du marché est effectivement « la faiblesse essentielle manifeste de l'Etat actuellement ». Les mécanismes de régulation en Algérie, ajoute-t-il, « ne sont pas encore opérationnels, nous sommes en train d'attendre leur mise en place ». Le problème réside aussi, souligne notre interlocuteur, dans « la non-maîtrise du processus de régulation », ce qui automatiquement « dérègle tous les autres mécanismes du marché ». Plus explicite, M. Lamiri dira que les circuits de distribution en Algérie sont « des monopoles de fait ». Et c'est là, fait-il remarquer, que les investissements directs étrangers (IDE) manquent. « Dans tous les pays du monde, il y a des investissements dans les circuits de distribution et ce n'est pas normal qu'il n'en existe pas chez nous ». Une situation imputée, par notre interlocuteur, à l'existence « de lobbies ». Pour casser ces monopoles de distribution, l'Etat, recommande l'expert, « doit introduire la concurrence par l'intermédiaire de firmes internationales spécialisées dans le domaine ». Aussi, suggère-t-il, « il faut que l'Etat renforce la compétition nationale et internationale ». Les pouvoirs publics ont, certes, procédé à la création de quelques institutions de marché, à l'instar notamment du Conseil de la concurrence, il demeure, conclut M. Lamiri, que ces institutions ne jouent pas leur rôle. Du côté du ministère du Commerce, c'est un tout autre son de cloche qui nous était donné. Le directeur de la régulation au niveau de ce ministère, M. Yahyaoui, dira que contrairement à ce qui est avancé sur les éventuels manquements de l'Etat à l'égard de son rôle de régulateur de marché, « les données statistiques disponibles à son niveau démontrent clairement que tous les produits alimentaires font l'objet d'une régulation ».