C'est dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit, d'avril 1990 qu'a été mise en place, pour la première fois depuis l'Indépendance, une autorité chargée, entre autres, de définir la conduite, le suivi et l'évaluation de la politique monétaire. Aujourd'hui, il existe 12 autorités de régulation qui interviennent dans les différents domaines de la vie économique, industrielle, culturelle, technique et financière du pays. Ces autorités sont les suivantes: le Conseil de la monnaie et du crédit; la Commission bancaire; la Commission de surveillance des opérations de Bourse;l'Autorité de régulation des postes et télécommunications; l'Agence nationale du patrimoine minier;l'Agence nationale de la géologie et du contrôle minier;la Commission de supervision des assurances;la Commission de régulation de l'électricité et du gaz; l'Autorité de régulation des transports; l'Autorité de régulation des services publics de l'eau; l'Agence nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine; l'Organe de prévention et de lutte contre la corruption. Ces autorités sont dites sectorielles, en ce sens que leur champ de compétence concerne un secteur de l'activité économique, financière, d'ordre stratégique (mines, hydrocarbures, télécommunications, etc.) ou encore liée à une mission de service public (eau, électricité, gaz). Ces autorités coexistent avec une autorité de régulation transversale instituée par l'ordonnance du 19 juillet 2003 relative à la concurrence et qualifiée par le législateur «d'autorité administrative jouissant de la personnalité juridique et de l'autonomie financière»: il s'agit du Conseil de la concurrence. Mais paradoxalement, c'est au moment où le législateur renforce considérablement les attributions du Conseil de la concurrence (dont la création remonte en fait au 25 janvier 1995) que cette institution non seulement ne rend plus aucune décision mais n'est plus saisie. Pourtant, l'article 39 de l'ordonnance dispose que «lorsque le Conseil de la concurrence est saisi d'une pratique relevant d'un secteur d'activité placé sous le contrôle d'une autorité de régulation, il transmet une copie du dossier, pour avis, à l'autorité concernée». Le texte ne dit pas que le Conseil de la concurrence peut se dessaisir, dans ce cas, au profit de l'autorité de régulation (ci-après AR) concernée, encore moins qu'il est dessaisi de droit. Quant à la nature de l'avis que donne l'AR, elle n'est pas précisée. Toujours est-il que depuis la publication d'une loi venue conférer des pouvoirs considérables au Conseil de la concurrence, dont il faut rappeler ici qu'il est rattaché directement à la Primature (article 23), seules les autorités de régulation sectorielles (ARS), chacune dans son domaine, sont compétentes, à titre exclusif, pour donner des avis, faire respecter les règles de la concurrence et celles de la protection du consommateur, arbitrer les litiges. Toute la question est désormais de savoir si le maintien en l'état du Conseil de la concurrence (dont l'institution devait témoigner de la volonté de l'Algérie d'adhérer à l'OMC) a encore un sens devant la prolifération d'AR à compétence exclusive et s'il ne convient pas de remanier en profondeur l'ordonnance du 19 juillet 2003 pour la mettre en cohérence avec les différentes lois fixant les attributions et le rôle des AR. Bilan des AR Aucune évaluation officielle n'a encore été entreprise par les autorités de l'Etat. On peut regretter, par exemple, que le Cnes ne se soit pas saisi de la question, ne serait-ce que pour procéder à un inventaire des problèmes rencontrés par les AR dans l'exercice de leurs missions. De même, le Parlement ne s'y intéresse guère. A titre d'exemple, quelles sont les contraintes, si elles existent, qui expliquent que la Cosob n'ait pu impulser davantage l'activité du marché des valeurs mobilières et les raisons persistantes de l'atonie du marché financier algérien, nonobstant l'existence de liquidités financières importantes? Il ne servirait pas à grand-chose de mettre en place des AR employant souvent les meilleures compétences nationales et de ne pas procéder à une évaluation rigoureuse du bilan de leur activité, quand ce ne serait que pour améliorer leurs performances actuelles. Ceci dit, les AR qui sont anciennes (CMC, Arpt, Creg, Commission bancaire) ont fourni un travail considérable dont témoignent le volume impressionnant de leurs rapports d'activité, le nombre des avis et recommandations émis et aussi celui des litiges qu'elles ont résolus, sans oublier l'efficacité largement démontrée de leurs échanges avec les autorités de régulation étrangères. Les autres sont de création plus récente et ont besoin encore de temps pour acquérir le savoir-faire nécessaire. Indépendance et efficacité des AR Partout dans le monde, la question récurrente à propos des AR est celle de leur indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Il ne faudrait pas cependant se méprendre sur la téléologie des textes qui ont mis en place les autorités de régulation. Celles-ci ne sont certes pas des appendices du pouvoir exécutif, elles ne sont pas non plus exclusivement des outils d'aide à la décision (comme le Cnes par exemple). Mais elles n'ont pas davantage la vocation à se fixer leurs propres fins, dès l'instant qu'elles contribuent à la mise en oeuvre de la politique voulue par les pouvoirs publics dans le domaine qui leur a été assigné (l'Arpt par exemple est tenue dans ses décisions de respecter scrupuleusement les missions générales de l'Etat, en vertu de l'article 4 de la loi fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications). Ceci dit, il est normal, pour une bonne administration des choses, que les collèges respectifs des AR disposent d'un minimum d'indépendance dans la prévention et la résolution des litiges entre opérateurs ou entre opérateurs et usagers, d'autant plus que leurs décisions sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. L'impartialité, qui doit caractériser leur mission juridictionnelle, s'accommoderait mal d'immixtions extérieures. Par ailleurs, en veillant à la cohérence de la politique générale du gouvernement en cette période délicate de mise en place des instruments de l'économie de marché, l'utilité indéniable des AR serait confortée si les mesures suivantes étaient adoptées: Amélioration des conditions d'exercice des pouvoirs des AR (laquelle peut passer par une augmentation des membres du Conseil qui dirige l'autorité); la rationalisation du régime juridique des AR dans le cadre d'une loi organique (qui définirait par exemple les compétences communes des AR en regard des procédures de sanctions qu'elles diligentent); Amélioration des conditions de saisine des AR (les administrations pourraient systématiquement les saisir de toute question relevant de leur champ de compétence); Renforcement des moyens humains et matériels des AR pour les aider à réduire l'asymétrie informationnelle par rapport à la connaissance du marché que possèdent les opérateurs économiques. En conclusion, on peut estimer que les AR algériennes jouent un rôle très important dans l'organisation du marché des biens et des services et qu'elles ont acquis une expertise impressionnante qui permet, d'ores et déjà, une meilleure allocation des ressources des producteurs et de consommateurs. [email protected]