Invité de l'Association algérienne pour le développement de la recherche et des études en sciences sociales, du Centre de recherche pour l'économie appliquée pour le développement et du Centre culturel français, le sociologue Pablo Kreimer, professeur émérite à l'université de Quilmes (Argentine), a donné, jeudi dernier à l'Ecole nationale polytechnique d'El Harrach, une conférence sur le thème de la recherche scientifique en rapport avec les problèmes locaux qui se posent spécifiquement dans un pays ou groupe de pays en voie de développement. Il étayera son approche par un cas spécifique à certains pays d'Amérique latine qui tentent de faire face à une maladie endémique (la maladie de Chagas) qui affecte de nombreuses provinces de ce sous-continent. L'analyse des traitements multiformes (scientifique, économique et social) opposés à cette maladie parasitaire qui fait depuis près d'un siècle des ravages essentiellement dans les populations pauvres, lui a servi de toile fond pour cerner la réaction des collectivités (gouvernements, société civile, centres de recherche) face à d'aussi graves périls. Péril d'autant plus difficile à gérer qu'il affecte les populations les plus défavorisées vivant de surcroît loin des pays riches susceptibles d'être sensibles à leur détresse. Même s'ils n'ont pas suffisamment de ressources à allouer à la lutte contre cette maladie, les pays d'Amérique latine concernés font tout ce qui est dans leurs moyens (mobilisation des chercheurs locaux, appel aux organismes supranationaux comme l'OMS, appui au développement des zones les plus vulnérables etc.) pour y faire face. L'Argentine, qui en a fait une priorité nationale, y consacre depuis plusieurs années d'importants moyens humains et financiers. De cet effort soutenu a résulté un nombre impressionnant de communications scientifiques (plus de 1400 comptes rendus de travaux scientifiques) et d'applications (vaccins, produits chimiques pour éradiquer les moustiques vecteurs de la maladie etc.) qui ont tout de même donné un surcroît d'efficacité à la lutte contre cette « maladie de la pauvreté » qui aurait fait près de 20 millions de victimes depuis son apparition au début du siècle dernier. Outre les difficultés à mobiliser la communauté internationale et les grands laboratoires de recherches sur la maladie de Chagas qui reste à leurs yeux une maladie de pauvres peu médiatisée, et par conséquent, peu intéressante pour les investisseurs et autres donateurs, les pays touchés par le fléau éprouvent par ailleurs des difficultés à mobiliser et à allouer les capitaux requis, à l'éradication des poches de pauvreté qui perpétuent cette maladie. Les débats qui ont suivi la conférence ont, entre autres, mis en évidence la difficulté pour les pays les moins riches à arbitrer l'affectation de leurs maigres ressources entre la recherche scientifique et le développement économique et social qui constitue pourtant le moyen de lutte le plus efficace contre les maladies de la pauvreté. Comme il n'est pas facile de mobiliser les capitaux des pays riches, contre ces maladies qui ne les touchent pas, ceux qui en souffrent ne peuvent en définitive compter que sur eux-mêmes. Ils seront payés de retour par une meilleure connaissance scientifique de la maladie et des actions multiformes à entreprendre (vaccins, médicaments, produits chimiques, développement économique et social) pour l'éradiquer ou pour le moins atténuer sensiblement ses effets.