Le procés dit de la "Caisse centrale d'El Khalifa Bank", qui se déroule au tribunal ciminel de Blida, semble focaliser essentiellement sur le cas des cadres opérationnels de l'ex-banque et d'un certain nombre de gestionnaires qui y ont déposé des capitaux d'entreprises et institutions publiques qu'ils dirigeaient. Les chefs d'inculpation de détournement, corruption et autres complicités de malversations sont d'ores et déjà retenus contre ces gestionnaires. Pourtant, en agréant El Khalifa Bank, dont le capital social n'avait même pas été souscrit, la Banque d'Algérie a effectivement fait preuve de favoritisme sachant qu'elle avait refusé d'agréer d'autres banques pour beaucoup moins que cela. En n'y opérant pas les contrôles requis, la Banque d'Algérie, mais encore plus la commission bancaire dont c'était précisément le rôle, ont fait preuve d'un laxisme que les déposants payeront très cher lorsque ces organismes constateront l'état de dégradation avancée de la banque et les malversations qui défrayeront la chronique. Pour bien comprendre le problème, il faut savoir que dans la législation bancaire qui prévaut aujourd'hui encore en Algérie, seule la Banque d'Algérie, plus précisément son Conseil de la monnaie et du crédit, est habilitée à agréer les banques et à veiller en permanence à leur bon fonctionnement sous réserve de leur retirer l'agrément. Une banque agréée par la Banque d'Algérie est censée être officiellement une bonne banque, dans laquelle les entreprises et les citoyens peuvent déposer sans aucune crainte leurs capitaux. Aucune instance autre que la Banque d'Algérie n'est en effet habilitée par la loi sur la monnaie et le crédit à donner un jugement sur ce qui se passe dans cette banque et en l'absence de remarques expressément formulées par cette institution et uniquement par elle, la banque est censée correctement fonctionner. A moins que la Banque d'Algérie ait effectué des contrôles qu'elle s'est interdite, pour une raison ou une autre, de porter à la connaissance du Conseil de la monnaie et du crédit afin qu'il prenne les dispositions qui s'imposent (retrait d'agrément, informer les clients, dépôt de plainte, etc.). Tout à fait conforme aux yeux de la Banque d'Algérie et bien perçue par un public, de plus en plus large, échaudé par l'archaïsme des banques d'Etat, il n'y avait à l'évidence aucune raison de ne pas confier ses capitaux ou tout simplement ses économies à El Khalifa Bank. Si reproche il y a, c'est à la Banque d'Algérie qui ne les a jamais informés sur l'état réel de cette banque, que les déposants se doivent de l'adresser. Ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas manqué de faire une fois la liquidation prononcée, ce qui a permis aux petits créanciers de récupérer leurs mises. Contrôle La Banque d'Algérie affirme avoir effectué les contrôles requis qui ont mis en relief la destructuration de cette banque et les nombreuses malversations auxquelles s'adonnaient ses dirigeants avec, bien souvent, la complicité de certains chefs d'entreprises publiques ayant déposé des capitaux appartenant à leurs sociétés. Si ces contrôles ont effectivement eu lieu, il serait utile que la justice détermine les raisons de la non-publication des résultats de ces investigations. Qui a empêché, et pourquoi, les instances de décisions habilitées (Conseil de la monnaie et du crédit, commission bancaire, ministère des Finances) d'être informées de ce qui se passait réellement dans cette banque qui continuait à fonctionner comme si de rien n'était, durant plusieurs années. Ce sont ceux-là les vrais coupables du désastre et, à ce titre, ils méritent d'être identifiés. Signalons tout de même, et à décharge de la Banque d'Algérie, que ses deux commissions, en l'occurrence le Conseil de la monnaie et du crédit et la commission bancaire, n'ont jamais pu fonctionner normalement tout au long des années 2002 et 2004, ces dernières ne disposant pas du quorum requis pour se réunir. Il faut en effet savoir, et El Watan avait fait part du problème dans des articles publiés le 22 octobre 2002 et le 21 décembre 2003, qu'aussi bien le Conseil de la monnaie et du crédit (CMC), chargé de la politique monétaire, que la commission bancaire, chargée de la supervision des banques, étaient dans l'incapacité de fonctionner en raison de la fin de mandat de plusieurs de leurs membres. Les 6 membres manquant au CMC ne peuvent être désignés que par le président de la République, tandis que les 4 membres faisant défaut à la commission bancaire, c'est l'affaire du chef du gouvernement. Pris par le calendrier électoral, ils ne désigneront ces membres qu'environ 15 mois plus tard, laissant le secteur des banques livré à lui-même avec toutes les graves conséquences que les banques, notamment privées, subiront un peu plus tard (faillite d'El Khalifa Bank, de la BCIA, de l'Union Bank, de l'AIB et autres). Autant de défaillances dont il faudra nécessairement tenir compte dans le procès de la Caisse centrale d'El Khalifa Bank pour éviter que seuls quelques lampistes payent le prix de dysfonctionnements, de malversations et de complicités à haut niveau qui ont fait le lit de cette gigantesque banqueroute.