L'histoire des caricatures à nouveau devant la justice française. La 17e chambre correctionnelle du tribunal de Grande Instance de Paris devrait statuer sur cette affaire les 7 et 8 février. Déboutée sur la forme en février 2006, la Mosquée de Paris cherche désormais à faire condamner sur le fond l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo pour « atteintes et injures à l'Islam ». La Mosquée de Paris reproche au journal d'avoir publié les caricatures stigmatisant le prophète Mohamed « sans se soucier de la sensibilité des musulmans de France ni de leur croyance religieuse ». Elle insiste spécialement sur deux dessins parmi les dix. Celui montrant le prophète le prophète Mohamed couvert d'un turban dissimulant une bombe et un autre représentant Mohamed sur un nuage, accueillant des terroristes. Pour Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, il s'agit tout simplement d'un acte raciste, gratuit, qui heurte la sensibilité des millions de musulmans de France. « Devant la blessure et l'humiliation ressenties par les musulmans de France, devant cette incitation délibérée et intéressée à la haine religieuse et raciale, nous demandons simplement une justice tenant compte de la réalité de la France d'aujourd'hui. Nous ne choisissons pas d'en appeler à la rue, mais au droit et à la justice », a-t-il soutenu dans une conférence de presse organisée à la Mosquée de Paris. A ceux qui opposent le sacro-saint principe de la liberté d'expression, Dalil Boubakeur rétorque que « la Mosquée de Paris et les musulmans de France ont toujours respecté les lois de la République dans laquelle ils vivent et ne se sont jamais opposés à la liberté de la presse, même si celle-ci peut véhiculer parfois des éléments négatifs comme le déni de l'histoire ou la liberté d'humilier les gens. » Et d'ajouter : « Nous avons condamné l'arrestation des journalistes français à Baghdad. La mosquée de Paris a manifesté son opposition à l'encontre d'un tel acte. Elle a même envoyé une délégation sur les lieux pour demander la libération de ces journalistes et ce, malgré tous les dangers. » Abondant dans le même sens, Me Szpiner, avocat de la Mosquée de Paris, rassure tout le monde en indiquant qu'il ne s'agit nullement d'un procès contre la liberté de la presse : « Je rappelle que nous ne poursuivons pas Charlie Hebdo pour la publication de l'ensemble des caricatures, mais uniquement pour deux dessins qui assimilent les musulmans aux terroristes. » Et si la Mosquée de Paris a choisi la voie de la justice et de la légalité, c'est pour éviter des débordements et des manifestations dans toutes les villes de France, ajoute ensuite Dalil Boubakeur qui précise que « le Conseil français du culte musulman (CFCM) est là pour protéger l'ensemble de la société française contre un Islam barbare ou dangereux ». Et de rappeler les millions de musulmans morts pour la France lors des deux guerres mondiales et les nombreux juifs sauvés par la mosquée lors de la Seconde guerre. Dalil Boubakeur a reconnu également avoir reçu deux émissaires mandatés par Charlie Hebdo en vue de trouver une solution à l'amiable. « Mais la démarche n'a pas abouti, car ce qu'ils cherchaient, c'est juste que je vienne devant les caméras pour échanger un coup de main avec le directeur de l'hebdomadaire. Bien entendu, j'ai refusé, car je voulais tout d'abord discuter de cet incident en profondeur ». Par ailleurs, de sources non confirmées, François Hollande et François Bayrou, respectivement premier secrétaire du Parti socialiste français (PS) et président de l'Union pour la démocratie française (UDF) seraient cités comme témoins à charge contre la Mosquée de Paris. Une belle façon de politiser le procès à quelques mois seulement de l'élection présidentielle et celles législatives. Refusant d'entrer dans un tel jeu, les avocats de la mosquée de Paris disent vouloir rester uniquement « sur un problème de droit ».