Cela bien sûr est loin d'être toujours vrai. Il y a des jours très enrichissants ici. D'autres, on repart les mains vides. Soit on a déjà vu les mêmes films ailleurs (à commencer par les films maghrébins : Téguia, Sahraoui, Ben Saïdi, Saâdi). Soit le niveau des films sélectionnés ici apparaît lourdement dénué de toute qualité, totalement « ground zero ». Le public hollandais qui débarque en foule dans les salles ne réagit jamais bruyamment. Il n'y a pas de chaises qui claquent comme à Cannes ou des coups de gueule en pleine projection. Une large part de ce qu'il vit d'habitude sur ses écrans est américaine seulement. Le meilleur vent cette année à Rotterdam soufflait du côté du cinéma africain avec la rétrospective de Abderrahmane Cissoko et un très beau film, une surprise extrême : Kinshasa Palace, du cinéaste Zeka Laplaine, né à Llédo en République démocratique du Congo, qui a étudié à Rome et à Bruxelles pour être acteur avant de passer derrière la caméra en faisant Macadam Tribu (1996), Les Clandestins (1997), Paris XY (2001), Le jardin de papa (2003) et enfin ce dernier film Kinshasa Palace (2006). Zeka Laplaine exploite avec une incroyable virtuosité le thème de l'absence, du souvenir, du retour au pays natal. Une famille congolaise éclatée, vivant séparée entre Kinshasa, Bruxelles, Lisbonne, Paris et le Cambodge tente de se rapprocher malgré les distances, les entraves, les disparitions. Cette histoire c'est celle aussi très complexe du Congo, celle de la choquante et dramatique trahison (préparée par la CIA) qui a mené à l'assassinat de Patrice Lumumba et a conduit au pouvoir l'homme des Américains Mobuto et à l'effondrement du pays. L'exil du cinéaste loin de son pays n'a pas épuisé son désir profond de retourner pour narrer avec une magnifique inventivité l'histoire de sa propre famille, celle de son frère Max qui, un jour, quittant sa femme et ses deux enfants sur un quai de la gare de Lyon à Paris, a disparu sans laisser de traces. La disparition de Max et son départ probable au Cambodge sont au cœur de ce film qui, de quelque côté qu'on l'aborde, fiction ou documentaire, est extrêmement audacieux dans la forme et émouvant dans le fond. Vent très favorable aussi au cinéma russo-arménien au Festival de Rotterdam. Il s'agit cette fois de Mayak, long métrage fiction de Mario Saakyan, 26 ans, étudiante au VGIK à Moscou, auteur déjà de deux courts métrages. Comme la Géorgie ou l'Azerbaijan, pépinières de grands cinéastes, l'Arménienne Maria Saakyan a de qui tenir aussi. Mayak, son premier long métrage, est une perle cinématographique. Elle aussi, malgré son très jeune âge, veut témoigner de l'histoire dramatique de son pays dans la période post-soviétique. L'Arménie se voulait indépendante, libre de toute entrave, c'était sans compter avec les luttes pour le pouvoir, les conflits internes et sanglants. Mayak est dans la même mouvance d'ailleurs que Kinshasa Palace. La même idée du retour au pays. Ici, il s'agit de Léna qui a émigré et refait sa vie à Moscou. Elle retourne en Arménie, à sa famille, à ses paysages d'enfance. Son pays est en guerre. Léna oscille entre un départ impossible (il n'y a plus de train, aucun moyen de transport et un séjour, à haut risque, auprès de ses parents). Mayak frise sans cesse le chef-d'œuvre : images exaltantes, mise en scène virtuose.