Jusqu'ici préparés et conçus entièrement par des experts algériens, les rapports annuels du Conseil national économique et social (CNES) porteront désormais l'empreinte de la Banque mondiale (BM). C'est du moins ce que prévoit le mémorandum d'entente et de coopération signé samedi à Alger entre le CNES et la BM. Outre « le renforcement des capacités d'analyse du CNES », l'institution de Bretton Woods apportera un « appui à la préparation des rapports annuels du CNES », lit-on dans le mémorandum. Cette collaboration se traduira principalement, indique l'institution de Mohamed Seghir Babès, « en action de renforcement de capacité par la formation au bénéfice des experts du CNES ; de conseil technique sur les rapports que le conseil produit et la réalisation de travaux conjoints et d'efforts d'information et de dissémination ». Ce recours à l'expertise de la Banque mondiale suscite cependant plusieurs interrogations quant aux véritables motivations du CNES. Ce dernier souffre-t-il d'un déficit en expertise pour aller la chercher ailleurs ? Les experts du CNES ne sont-ils pas à la hauteur de leurs missions ? Est-ce les méthodes appliquées par le CNES dans l'élaboration de ses rapports qui sont dépassées ? Des interrogations d'autant plus légitimes puisque, jusqu'ici, les rapports du CNES étaient jugés crédibles et précis, y compris par la Banque mondiale. L'on ne peut s'empêcher par ailleurs de s'interroger sur l'utilité de l'apport de la Banque mondiale au CNES lorsqu'on sait que cette même institution s'appuie essentiellement, pour ne pas dire totalement, sur l'expertise algérienne dans l'élaboration de ses travaux sur l'Algérie. Elaborer des rapports suivant les normes d'analyse de la BM, dont la fiabilité n'est toujours pas avérée, ne fera-t-il pas perdre aux rapports du CNES leur originalité ? Côté information, les rapports du CNES jusqu'à il y a bientôt deux ans sont tellement attendus qu'ils bénéficient, à leur publication, d'une forte médiatisation à faire envier même les pouvoirs publics. Inefficacité dans les dépenses publiques En quoi alors la Banque mondiale pourrait apporter un plus au CNES dans ce domaine ? Ou est-ce la confirmation d'une nouvelle orientation attribuée au nouveau CNES, dont l'opinion s'est quand même autosaisie sur les changements de fond en comble des travaux qui lui sont connus du temps de Mentouri. Côté analyse, les rapport du CNES ont toujours été pertinents et assez complets (constat précis, identifications des problèmes et recommandations). L'exposé sur les libertés économiques, présenté samedi par le responsable des études économiques au CNES, Bouras Djoudi, est, en soi, une preuve de la capacité d'analyse du CNES. D'après l'expert algérien, la persistance en Algérie du phénomène de la corruption, malgré les moyens de lutte mis en œuvre, découle de la lente progression des réformes et d'un système financier et bancaire désuet. Outre une privatisation qui avance trop lentement et un secteur privé « frappé d'ostracisme », il faut relever également, selon lui, une inefficacité avérée dans les dépenses publiques et une « panoplie de réglementations différentes qui, parfois, étouffe les initiatives ». Le même intervenant a affirmé que le secteur financier et bancaire souffrait de « démarches prudentielles excessives et de difficultés à mettre en place des dispositifs d'évaluation des risques ainsi que des faiblesses en matière de financement de l'économie ». Pour lui, cet état de fait s'est traduit par la persistance de la corruption et a empêché une accélération des flux de capitaux étrangers, ce qui justifie l'arsenal de mesures mis en place en vue d'endiguer le phénomène. La lutte contre la corruption est menée, a-t-il poursuivi, au niveau de l'administration (révision des dispositions relatives aux marchés publics, réduction des procédures d'octroi des autorisations d'exercer une activité...) ainsi qu'au niveau du système judiciaire et des services des douanes.