« La découverte de l'Amérique a été une chose formidable, mais si on était passé à côté, ça n'aurait pas été plus mal. » Mark Twain Au cours d'une discussion, il y a quelques jours, Son Excellence l'ambassadeur américain à Alger, M. Robert S. Ford, me demandait ce que je pensais de la prochaine élection dans son pays et si les chances de Barack dans la course à la Maison-Blanche étaient sérieuses… « Pas plus que les autres, qui par le passé incarnaient la même image », répondis-je. Au cours d'une discussion, il y a quelques jours, Son Excellence l'ambassadeur américain à Alger, M. Robert S. Ford, me demandait ce que je pensais de la prochaine élection dans son pays et si les chances de Barack dans la course à la Maison-Blanche étaient sérieuses… « Pas plus que les autres, qui par le passé incarnaient la même image », répondis-je. On pense notamment au révérend Jesse Jackson, personnage charismatique s'il en est, mais qui n'a pas eu les faveurs des électeurs lors de la présidentielle de 1984 et celle de 1988. Il avait rebuté bon nombre d'électeurs blancs, avait-on déduit à l'époque. Si, aujourd'hui, Jesse est prêt à apporter son soutien politique à son cadet, il n'est pas dit que ce dernier ne subira pas le même sort ! Même si un sondage concocté par CNN, réalisé il y a peu, montre que 62% des Américains estiment leur pays prêt à élire un président noir. Alors Obama à la Maison-Blanche ? Le jeune sénateur démocrate de l'Illinois est incontestablement un homme politique atypique. Cet enfant d'Afrique qui brigue la magistrature suprême de la première puissance mondiale est de ceux qui croient que tous les rêves sont possibles dans cette Amérique où chacun a sa chance. Bien intégré dans la société, Barack Obama est l'incarnation même de l'Américain Dream. Seul élu noir du Sénat et seulement le troisième depuis 1867, Barack ne s'empêche pas dans ses discours shows de manier l'autocritique, en rappelant son enfance tourmentée et son parcours courageux qui en font aujourd'hui un membre à part entière d'une famille bourgeoise traditionnelle. Face aux foules qu'il sait électriser par ses harangues enflammées, il n'hésite pas à clouer au pilori ceux qui ont, par leur politique, entraîné le pays dans une impasse. Un petit bourgeois « Ce n'est pas l'ampleur de nos problèmes qui m'inquiète le plus, c'est la petitesse de notre politique », estime-t-il. Le Bush finissant n'a qu'à bien se tenir comme tous ces « politicards » qu'il pourfend ouvertement dans un langage peu diplomatique mais qui plaît au public. En annonçant sa candidature, il a déclaré devant des milliers de ses partisans : « J'admets qu'il y a une certaine audace à faire cette annonce. Je sais que je n'ai pas passé beaucoup de temps à connaître les méandres politiques de Washington. Mais j'y ai passé suffisamment de temps pour savoir que la façon de faire de la politique à Washington doit changer. » Premier avertissement. Alors que ses contempteurs mettent en cause sa « jeunesse », il en fait un atout. « Face aux périls qui ont menacé l'Amérique, à chaque fois une nouvelle génération s'est levée. Aujourd'hui, on nous appelle. C'est au tour de notre génération de se lever avant de dresser la liste des défis à relever. Une guerre qui n'en finit pas, une dépendance au pétrole qui menace notre avenir, des écoles où trop d'enfants n'apprennent pas et des familles qui ont des difficultés financières, alors qu'elles travaillent dur. » A propos de l'Irak, « il est temps de tourner la page », a-t-il suggéré. Il joue la transparence à fond, en usant d'un naturel qui lui sied bien et dont raffolent ses supporters qui aiment bien sa franchise. Il avoue avoir touché à la cocaïne, fréquenté les meetings socialistes et avoir eu des démêlés fréquents dans sa vie de couple. Cette attitude n'est pas pour déplaire aux magazines people qui lui consacrent leurs couvertures en gonflant encore davantage le mythe qu'il est devenu. « Il est Noir, mais en réalité il représente une personnalité patchwork qui transcende classe, race et origines géographiques », note un analyste. Et d'ajouter que la publicité faite autour de sa personne n'est pas pour lui déplaire. Au contraire, on peut le voir séduisant en maillot de bain, sur une plage de rêve ou en short de surf avec des pectoraux avantageux et une silhouette qui ravirait les spécialistes en casting. Pourtant, ses origines sont aux antipodes de ce monde-là. « Mon père est né et a été élevé dans un petit village du Kenya. Il a grandi en gardant des troupeaux de chèvres et allait à l'école dans une case en tôle. Mon grand-père était cuisinier et domestique chez les Anglais. Mais il rêvait d'une vie meilleure pour son fils. Et c'est en persévérant que mon père a obtenu une bourse pour aller étudier dans un lieu magique, l'Amérique, gage de liberté et d'opportunités. C'est comme ça qu'il a rencontré ma mère qui est née, elle, dans une ville à l'autre bout du monde, au Kansas », lit-on dans son dernier livre à succès L'audace de l'espoir, sorti en octobre dernier. Son parcours ressemble à un conte de fées. Le 2 novembre 2004, après avoir fait le vide autour de lui lors des primaires quelques semaines plus tôt, il est élu sénateur de l'Illinois avec 70% contre 27% à son adversaire républicain. Ce score sans appel l'encourage à percer en politique en se faisant des alliés non seulement dans son propre camp. En 2007, le 10 février exactement, à partir de Spingfield, capitale de l'Illinois, il annonce sa candidature à la présidentielle en s'engageant « à rassembler les Américains et à faire de la politique autrement. » Les spécialistes en communication ont beau chercher dans sa biographie, ils n'y trouveront pas matière à éveiller leur curiosité. Barack, « béni des dieux » en dialecte swahili, est né pour atteindre les cimes. De l'islam au christianisme Lorsqu'il voit le jour en 1961 à Honolulu dans l'île d'Hawaï, son père le prédestinait déjà à un avenir hors du commun. Son père originaire de l'ethnie Luo est économiste et musulman. Sa mère anthropologue est descendante de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés d'Amérique. Ses parents ne tardent pas à divorcer. Le jeune métis transite par Djakarta où sa mère se remarie, puis rentre à Hawaï, chez ses grands-parents, poursuivre sa scolarité. A 19 ans, il débarque en Californie, puis choisit l'université de Colombia à New York avant d'atterrir à Harvard où il décroche son doctorat de droit. Son parcours, note un journaliste du Washington Post, est plus proche de celui des immigrants que des Blacks américains. Obama, qui ne veut pas entendre parler de communautarisme, n'escompte pas aller à la pêche des voix seulement dans cette catégorie de la population, mais vise tous les Américains. Dans un pays qui compte près de 300 millions d'habitants, 45 millions sont hispaniques, 40 millions sont noirs. « Notre puissance réside dans la nature multiraciale de notre nation », a lâché le sénateur face à un auditoire composé essentiellement de Blancs. « Je me reconnaissais envers cette diversité de mon héritage, conscient que le rêve de mes parents vit encore. Je me tiens là, devant vous, et je sais que mon histoire fait partie de la grande histoire de l'Amérique, que j'ai une dette envers tous ceux qui m'on précédé et que dans aucun autre pays sur terre mon histoire n'aurait été possible. » Ses idoles, il les a en photo avec lesquelles il a tapissé les murs de son bureau. Luther King, Gandhi, Mandela et Lincoln, avocat comme lui de l'Illinois, orateur légendaire qui, malgré son peu d'expérience politique, a remporté la présidence et mené le pays pendant la guerre de sécession. Obama n'ose pas la comparaison avec son illustre prédécesseur, mais il essaye d'en copier quelques traits et attitudes. « Il essaye de lui ressembler, relève un analyste. Il est un candide en politique qui n'a pas encore été formaté par les conseillers en com. Et c'est tant mieux comme ça », se réjouit un de ses anciens amis. Colister de Hillary ? Dans le camp démocrate, le duo Hillary-Obama gêne déjà les ténors du parti, obligés de choisir leur camp. Selon la dernière enquête, Clinton devance Barack de 40 points dans les intentions de vote. La sénatrice de New York a des liens anciens avec les chefs de la communauté africano-américaine. Et paradoxalement, les Noirs américains se sentent menacés par ce que représente Barack Obama. « Les gens sont inquiets d'une dilution dans le nombre de Noirs américains », écrit le professeur Patterson. Et d'ajouter que « Barack ne partage pas l'héritage de la majorité noire qui est les descendants des esclaves des plantations ». « Faut-il désormais être exclusivement descendant d'esclaves d'Afrique de l'Ouest ? », interroge Kimberly, professeur de droit à l'université de Washington. « Les Blancs sont parfaitement à l'aise avec lui. C'est précisément ce qui alimente la réserve chez les Noirs. » Dans la sphère privée, la ségrégation reste entière. Cette ségrégation est largement voulue par la classe moyenne noire, affirme le professeur Patterson. Des enquêtes ont montré que les Noirs préfèrent vivre dans des quartiers qui sont au moins à 40% africains-américains. Pour le sociologue, Barack représente justement « la manière d'aller au-delà de cette ségrégation privée. C'est cela que les ''frères'' n'aiment pas. » Récemment, ses adversaires politiques pour l'enfoncer ont fouiné dans son enfance pour avancer qu'il a étudié dans une médersa en Indonésie. Et pour en finir, ils lui ressortent son deuxième prénom Hussein qu'il a lui-même tendance à oublier. Hussein ? Ça ne vous dit rien. Comme quoi, malgré tout Obama n'est pas tout à fait Américain. La Maison-Blanche qui le fait rêver, il l'a déjà occupée symboliquement sans susciter le moindre enthousiasme. Une anecdote. Un matin de novembre 2003, Bush prenait congé d'un groupe de congressistes en visite à la Maison-Blanche. Ian Schakowsky, représentante démocrate de l'Illinois, avait remis sa veste, ornée d'un gros badge « Obama ». « J'ai alors vu Bush qui s'avançait pour me serrer la main, reculer soudain de deux pas, comme sonné », raconte Ian. J'ai compris qu'il avait cru lire « Osama » et pour éviter un incident, je lui ai précisé qu'il s'agissait de Barack Obama, candidat démocrate au Sénat. « Connais pas », a grommelé Bush. « Monsieur le Président, a répondu la députée, vous en entendrez bientôt parler. » Parcours Barack Hussein Obama est né le 4 août 1961 à Honolulu, Hawaï. Ses parents sont alors de jeunes étudiants. Son père, économiste et musulman, est un Kenyan, de l'ethnie Luo, alors que sa mère est une descendante de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés d'Amérique. Elle est également d'ascendance cherokee. Barack signifie « béni » en swahili. Ses parents divorcent alors qu'il n'a que deux ans. Son père repart au Kenya et ne reverra qu'une seule fois son fils alors âgé de 10 ans avant de mourir en 1982. Sa mère se remarie avec un étudiant originaire d'Indonésie et la famille emménage à Djakarta où Maya, la demi-sœur de Barack Obama, naîtra. Barack vivra 4 ans, de 1967 à 1971, en Indonésie. A l'âge de 10 ans, Obama revient à Hawaï vivre chez ses grands-parents, un couple modeste, pour s'assurer une meilleure scolarité qu'en Indonésie. Plus tard, sa mère le rejoindra. Il est d'ailleurs scolarisé à l'école Punahou, un prestigieux lycée où fut inscrit autrefois la famille royale d'Hawaï. Obama racontera cette enfance dans son auto-biographie Rêves d'un père, celle d'une adolescence torturée, enfant à la peau noire dans un monde de Blancs, en quête de ce père mythique, économiste brillant qui finit sa vie alcoolique et se tue dans un accident de voiture.