Les débâcles financières sont toujours impopulaires et l'on a généralement tendance à en attribuer la responsabilité aux pouvoirs publics parce que la " vox populi " considère que l'Etat a failli du seul fait qu'il est l'Etat et sans même chercher à en connaître la ou les causes qui ont conduit à la faillite. Cela a été vrai pour tous les pays qui ont connu des crises bancaires et ils sont nombreux à travers le monde. Des pays comme les Etats-Unis et la France qui passent pour être les modèles les plus copiés n'ont pas échappé à ces phénomènes. Le naufrage des Caisses d'épargne américaines, les" Savings and Loans " dans les années quatre vingt a coûté au trésor des Etats-Unis, la bagatelle de 300 milliards de dollars. Et pourtant on ne peut pas dire que les Etats Unis manquent de moyens et d'expérience pour ne pas voir venir de telles catastrophes financières. Dix ans après cette grande faillite des Caisses d'épargne, il s'est encore produit aux Etats Unis une autre débâcle, celle d'Enron qui ne ressemble à aucune autre tant les dégâts occasionnés sont impressionnants et les techniques employées pour cacher et masquer les pertes ont sidérés les plus grands experts. A Chaque pays son cycle économique et sont lot de crises. On peut citer parmi les crises les plus médiatisées, la grande escroquerie de Parmalat en Italie, l'affaire du crédit Lyonnais en France ou encore le naufrage de la banque Anglaise la Barring's …. Les années pure et dure du dirigisme économique ont généré chez nous aussi des scandales d'une tout autre nature mais néanmoins significatifs de l'état d'esprit et de la culture des affaires de l'époque. Le capitalisme de la décennie rouge a produit des " innovateurs " d'un genre nouveau qui ont réussi à s'inscrire dans l'ère du temps en se présentant comme des " dérivés " de quelque chose. Comme le climat des affaires était favorable (il l'est toujours d'ailleurs) aux innovations en tout genre, il fallait simplement choisir le bon créneau. Qui mieux que l'activité production de services pouvait assurer un développement rapide et une croissance soutenue. Etant un " capitaliste dérivé", il suffisait de bien tendre l'oreille pour appliquer les conseils de ceux qui anticipent le mouvement des affaires avec au bout une réussite garantie, si bien sûr, l'appétit reste circonscrit. Dans un ouvrage(*) publié en 1992 , John Kenneth Galbraith, le chantre du libéralisme explique dans un tout autre registre mais proche sur de nombreux aspects de ce qui s'est échafaudé ici, même si le sujet est totalement différent, que l'" innovation " financière est toujours fondée sur le même principe : des actifs réels (sociétés commerciales, immeubles …) servent de base à l'émission de titres (actions, obligations, ou options) dont la valeur, à la faveur d'engouements collectifs, atteint des sommets absurdes, sans commune mesure avec celle des actifs réels qui les sous-tendent. Avant la chute, l'autosatisfaction et la crédulité règnent, et le besoin psychologique des spéculateurs de se prouver que " leur enrichissement n'est ni fortuit ni immérité " mais dû à " un sens aigu des affaires " donne naissance à des justifications savantes obligeamment concoctées par les experts en tout genre. Quiconque se montre sceptique et ose prédire l'éclatement prochain de la bulle spéculative se voit accusé de jouer les trouble-fête, voire de chercher à saboter l'économie. Le choc de l'effondrement s'accompagne d'une chasse effrénée aux boucs émissaires, mais les gens ont la mémoire courte, et la leçon n'est jamais apprise. Ce tableau s'est retrouvé dans l'engouement pour les nouveaux capitalistes de la décennie rouge qui sortent du lot et qui proposent de " démocratiser " les activités de services, c'est-à-dire " les dérivés "qui sont demeurées sous monopole jusqu'à ce que les sauveurs arrivent, au grand galop. La suite est maintenant connue de tous. Au delà de tout ce qu s'est dit ou de ce qui se dira encore pendant longtemps sur le pourquoi et le comment de ces scandales financiers, Il reste que le problème qui s'est posé ailleurs et qui se pose chez nous est de trancher une fois pour toute sur la nature de la protection qu'il faut conférer à l'activité économique d'une manière générale. Est ce qu'il faut privilégier la protection politique d'un secteur, d'une branche, d'une activité, c'est à dire multiplier les mesures administratives pour éviter que les autres investissent ces domaines, sachant que c'est un combat d'arrière garde, parce qu'on ne peut pas le faire indéfiniment étant signataires d'accordes internationaux, ou favoriser une protection économique et à ce moment là, permettre à nos opérateurs de quelque nature que ce soit de faire et de développer chez eux ce qui est permis pour les autres. Dans cette dernière situation, le jeu sera clair pour tout le monde. Dans le premier cas, il est évident que la régulation se fera dans des conditions inappropriées, et on assistera encore à des affaires du genre de celles qui défrayent aujourd'hui la chronique. (*)John Kenneth Galbraith, Brève histoire de l'euphorie financière, Le Seuil, Paris, 1992.