Les débats sur la stratégie industrielle, menés depuis hier en ateliers sectoriels et par thèmes, ont rapidement viré vers des discussions sur les effets des différentes réformes en cours d'exécution. Deux commissions, « Le théâtre économique international et les investissements directs étrangers (IDE) » et « L'environnement économique de l'entreprise », ont été particulièrement animées. Un climat électrique a régné au sein de la seconde commission, en témoigne la prise de bec entre l'industriel Issaâd Rebrab et Abdelatif Benachenhou, conseiller à la Présidence et modérateur de ladite commission. Abdellatif Benachenhou a piqué une colère vive lorsque le patron de Cevital est intervenu sur le problème des créances douteuses du secteur privé. N'ayant pas apprécié que Rebrab ait imputé ces créances aux « injonctions » que reçoivent les banques publiques, il fait une mise au point tonitruante. « Je vous défie d'apporter la moindre preuve sur l'existence de ces injonctions. S'il y a maintenant des trafics d'influence, cela est une autre chose », a martelé le modérateur avant de tonner : « Il est des mots qui sont plus forts qu'une balle. » Benachenhou, tout en reconnaissant l'existence de problèmes de gouvernance, lancera un avertissement à l'adresse des participants qu'il désignera du doigt pour leur faire observer l'interdiction d'usage de ce mot « injonctions ». Passé l'orage, Rebrab quittera discrètement la salle. Les travaux ont été axés par la suite sur l'inaccessibilité au foncier industriel et les difficultés que pose le système bancaire actuel. Sans apporter de réponses tranchantes, l'atelier a permis, néanmoins, d'interpeller le représentant de Temmar sur les difficultés d'accès aux crédits, à la devise et sur la politique des changes de manière globale. Slim Othmani de NCA Rouiba et membre du Club d'action et de réflexion autour de l'entreprise (CARE) a soulevé la problématique de l'importation de petits et moyens services par les entreprises algériennes soumises toujours à des autorisations de la Banque d'Algérie (BA). « C'est aberrant de passer par la BA pour payer un abonnement d'une revue ne dépassant pas les 150 euros », a-t-il déploré. Il a, également, interrogé, en vain, les cadres de la BA sur l'achat des devises à termes. D'après cet opérateur dans l'agroalimentaire, autant les entreprises algériennes et les sociétés étrangères qui opèrent sur le marché national sont handicapées, autant elles ont accès à ce genre de prestations à travers les banques étrangères en activité sur le marché. Si des réponses claires n'ont pas été apportées, M. Benachenhou jettera, par ailleurs, le doute parmi l'assistance lorsqu'il évoquera la privatisation en cours du Crédit populaire d'Algérie (CPA). « Cette privatisation doit apporter quelque chose sinon on l'abandonnera », a-t-il lâché devant une assistance surprise. Dans la matinée, la première commission modérée par Dr Benissad a été marquée par l'intervention de Issaâd Rebrab, PDG du groupe Cevital, qui a plaidé pour l'association des opérateurs privés dans les négociations internationales. Tout en insistant sur le caractère désavantageux de l'accord signé entre l'Algérie et la communauté économique européenne, M. Rebrab mettra en garde contre des erreurs similaires susceptibles de se reproduire à l'occasion de la négociation de l'accession à l'OMC. « Je n'ai rien à reprocher aux négociateurs algériens qui sont des fonctionnaires loin de connaître la réalité, mais je propose de les faire accompagner par des chefs d'entreprises privées lors des différents rounds », suggère le patron de Cevital avant d'ajouter que « la décision doit être collégiale ». S'agissant des IDE, le rapporteur de la commission a noté la proposition donnant la priorité aux expatriés. D'après les statistiques de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI), la France compte 98 000 patrons d'origine algérienne. Néanmoins, les participants ont soulevé l'absence de « l'Algérie officielle » auprès de sa communauté. Les ambassades ne jouent pas leur rôle, les services économiques et la communication autour de l'Algérie n'existent pas, déplorent-ils. Unanimement, ils soutiennent l'instauration d'un système pour intéresser la diaspora. M. Rebrab tempère cette fixation sur les IDE en soutenant que « nous devons surtout compter sur nous-mêmes ». Il propose, par ailleurs, de revenir à l'ouverture de capital des entreprises publiques bénéficiaires à travers la Bourse.