Jeudi après-midi, la salle des conférences de la faculté des sciences était pleine à craquer. Lotfi Attar, ancien membre du groupe culte de Raina Raï, était aux anges... Vous vous rendez compte que dans la salle il y a beaucoup de jeunes ? J'ai toujours misé sur les étudiants. D'autant plus que c'est eux qui organisent, aujourd'hui, cette rencontre musicale ponctuée de débats autour du parcours de Raina Raï et de moi. L'ère des Chebs est, à mon avis, révolue. A force de l'avoir trop standardisée et clochardisée, la chanson Rai s'est retrouvée devant une impasse. Comment ça, une impasse ! En 82, avec Zina, c'était nouveau en Algérie. Il faut un renouveau, une renaissance du Rai. Une renaissance dans la continuité qui puisse donner vie à une nouvelle ère musicale. Il y'a eu trop de tkharbich (désordre) pendant 20 ans. On est obligé de passer à une vitesse supérieure. Et je vous le répète, le Raï est dans l'impasse car tous ceux qui ont encouragé la médiocrité ont fatalement dévalorisé nos styles musicaux. Pour vous le Raï est né à Barbes … Tout a fait. La première fois que le mot Raï a été retenu c'était à Barbes pour différencier justement ce style musical nouveau à l'époque par rapport aux autres styles tels que le Rock, le Jazz…. Depuis, le gros problème c'est qu'il y'a eu une dangereuse déviation dans la musique. Si on ne défend pas notre identité, c'est qu'on ne revendique rien. Le plus grave, c'est qu'il y'a eu certaines personnes qui ont viré vers des musiques occidentales en calquant des paroles en arabe. Tout cela avec la bénédiction de soi-disant spécialistes du Raï. Prenez le cas de Khaled (rires). Des projets en vue ? J'ai deux morceaux à faire et que je dois compléter en studio. Entre-temps, il y'aura un clip. En vérité, trop de boulot m'attend après la signature de mon nouveau contrat. Vous avez signé chez qui ? J'ai signé un contrat avec Bessma TV pour la réalisation de chansons et clips. Ça a duré presque une année pour que le contrat soit signé. Pourquoi votre choix s'est porté sur Bessma TV ? Moi, quand on m'a dit que la cause est maghrébine j'ai foncé. Il faut qu'on se disent la vérité : on n'est pas des moyen-orientaux. C'est tout un ensemble culturel qu'il faut consolider. C'est de cette manière qu'on pourra sortir de l'engrenage actuel en valorisant notre culture maghrébine en général et algérienne en particulier. Bessma TV va dans ce sens. C'est vrai que la prochaine édition du festival de la chanson Rai se tiendra cette année à Sidi Bel Abbès ? Puisque je la chante : el fen ou rai kharej min belabes, alors pourquoi pas ? C'est l'idée que je défends depuis longtemps. Il faut remettre le Rai sur les rails. L'idée a été favorablement accueillie par madame la ministre et même le wali a donné son accord pour l'organisation d'un tel événement. Le Rai ce n'est ni Bel Abbès, ni Oran, ni Saida….. Le Raï c'est ton opinion, c'est ta façon de voir la vie, c'est la parole libre, celle qui vous emporte, celle des grands poètes de l'Algérie, du Maghreb….. La musique doit éduquer et non pervertir l'âme.