Américains et Irakiens multiplient les plans de sécurité, mais constatent à quel point ceux-ci manquent d'efficacité, preuve que la situation est complexe. Les Américains le constatent bien qu'il est vrai, ils n'avaient pas fait preuve d'un quelconque enthousiasme pour leur plan. Leur armée a perdu lundi 9 soldats, tués au cours de deux attaques au nord de Baghdad. Les 9 soldats américains ont été tués dans l'explosion de bombes au passage de leur véhicule, portant à 3179 le nombre de soldats et personnels assimilés américains tués depuis l'invasion de l'Irak en mars 2003, selon un décompte établi à partir de chiffres du Pentagone. Au plan politique, l'impasse est également totale, et c'est certainement pour cette raison que le Premier ministre irakien semble accepter une situation de fait, celle du partage du pouvoir. Nouri Al Maliki vient d'inviter les anciens officiers de l'armée irakienne et membres du parti Baâth dissous de rejoindre le processus de réconciliation nationale afin de mettre fin à la violence qui secoue l'Irak. « La réconciliation nationale est un choix stratégique pour la reconstruction de l'Irak », a affirmé M. Al Maliki, lors d'une réunion à ce sujet, tenue dans la Zone verte, secteur hautement sécurisé de Baghdad. « Elle est ouverte à tous, y compris les anciens cadres sous le régime précédent », a-t-il dit. Et d'ajouter : « La conférence de dialogue représente une étape importante du projet portant sur la réconciliation nationale. » Plus de 30 officiers de haut rang sur quelque 500 de l'ancienne armée irakienne sous le régime de Saddam Hussein ont participé à cette conférence qui s'est tenue en décembre. Suite à l'occupation de l'Irak, l'administrateur civil américain Paul Bremer avait ordonné la dissolution de l'armée irakienne afin de chasser les partisans de parti Baâth. Cette mesure a été jugée comme la faute la plus grave commise par l'Administration du président George W. Bush. Al Maliki avait lancé en décembre un appel aux anciens militaires baâthistes de l'armée irakienne préconisant leur réintégration au sein de l'armée. Une telle invitation intervient alors qu'il est question de remaniement ministériel laissant ainsi penser que l'une accompagne l'autre. L'annonce du remaniement gouvernemental intervient alors que la liste nationale irakienne, la coalition laïque de l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui, a menacé jeudi de se retirer du gouvernement, où elle détient cinq portefeuilles, dénonçant les divisions confessionnelles. Depuis plusieurs mois, des responsables américains poussent M. Maliki à réformer son gouvernement et à former une nouvelle alliance de « modérés » des deux communautés sunnite et chiite. Concrètement, cela signifierait d'écarter le chef radical chiite Moqtada Sadr, dont la milice de l'armée du Mahdi est accusée par les militaires américains d'être la plus grande menace à la stabilité de l'Irak. Or, M. Maliki doit son élection aux votes des 32 parlementaires associés au chef radical dont le mouvement détient six portefeuilles ministériels. L'exil ou la mort Mais tout cela semble en décalage avec la réalité irakienne, froidement rapportée par les chiffres de l'ONU. Le nombre de personnes déplacées à l'intérieur des frontières de l'Irak pourrait atteindre les 2,3 millions à la fin de l'année, contre 1,8 million actuellement, selon l'estimation du Haut Commissaire aux réfugiés de l'ONU, Antonio Guterres. « Au rythme actuel de 40 000 à 50 000 par mois, environ 2,3 millions d'Irakiens pourraient être déplacés d'ici à la fin de cette année », a déclaré M. Guterres qui s'adressait aux représentants de la Ligue arabe en leur demandant de s'impliquer davantage en faveur des réfugiés. « Je me sens obligé de lancer un appel », a-t-il dit. « Un appel au monde musulman et plus particulièrement au monde arabe de jouer un plus grand rôle dans la discussion, la formulation et la mise en œuvre des politiques internationales en faveur des réfugiés. » Environ 1,8 million de personnes sont actuellement déplacées à l'intérieur de l'Irak, tandis que deux millions ont fui leur pays depuis l'invasion américaine en mars 2003, selon les estimations de l'ONU. « Le plus important déplacement de population au Moyen-Orient depuis les événements dramatiques de 1948 a contraint jusqu'à présent un Irakien sur huit à s'enfuir de chez lui », a souligné le Haut Commissaire, en référence à l'exode des Palestiniens après la fondation de l'Etat d'Israël. Les Nations unies vont organiser les 17 et 18 avril à Genève une conférence internationale en faveur des réfugiés irakiens. « Le but est de souligner devant la communauté internationale, la dimension humanitaire de ce problème qui va en s'aggravant et à susciter des engagements pour y répondre », a expliqué M. Guterres. Reconstruction et repeuplement sont les questions qui interviennent le plus au sujet de l'Irak. Mais, n'est-il pas déjà trop tard pour les soulever ?