Cela fait plus d'une décennie qu'ils ont déposé leurs armes à la gendarmerie. Nous sommes dans les années 1990. Le terrorisme est à son apogée. Incursions dans les villages, embuscades contre les convois des services de sécurité, attentats ciblés, la Kabylie est à feu et à sang. Sans moyens, la résistance s'organise. Igoudjdal, Attouche donnent l'exemple. D'autres hameaux leur emboîteront le pas pour défendre l'honneur de la tribu. Les actes héroïques et impromptus des premiers groupes d'autodéfense désarçonnent complètement les plans macabres des fous d'Allah. Ils ne s'attendaient pas à une telle réaction musclée, s'étant habitués ailleurs à être reçus avec moins de résistance. A défaut de protéger les populations isolées, l'Etat ordonne aux citoyens de restituer leurs fusils de chasse, par mesure de sécurité. Un affront de taille pour la population dans une région où l'homme tient à son fusil autant qu'à sa femme. Quatorze ans après, la subversion intégriste n'est toujours pas vaincue. Pis, la violence se généralise. Crimes, kidnappings, hold-up, vols en série de véhicules. Connue jadis pour son calme, la région est devenue le far west algérien des temps modernes. Une zone à hauts risques, y compris pour les autochtones. Las d'attendre une hypothétique amélioration de la situation sécuritaire, les citoyens décident à l'unanimité de sortir de leur réserve pour réclamer le droit … à la vie. Il était temps. Personne n'est à l'abri. Ils sont nombreux à remettre sur pied les comités de vigilance. Objectif : repousser l'ennemi d'où qu'il vienne. Pour ce faire, les villageois demandent ni plus ni moins la restitution de leur modeste « arsenal de guerre » : les vieux fusils de chasse à deux coups. Un peu partout, on s'organise comme on peut pour forcer la main à l'administration. Pétitions, sit-in devant la wilaya, assemblées générales dans les hameaux, tous les moyens de protestation sont bons pour se faire entendre. C'est le cas à Ath Douala (17 km au sud de Tizi-Ouzou) où les habitants sont montés au créneau pour réclamer leurs biens. Ils veulent récupérer dans les meilleurs délais leurs fusils de chasse, déposés, après 1994 notamment, auprès des brigades de Gendarmerie nationale, suite aux actes terroristes. « Ce sont nos biens, acquis à un prix fort, que nous voulons récupérer, notamment avec ce regain de violence et de banditisme qui veut se réinstaller en Kabylie. Ces armes ont été déposées au milieu des années 1990 à l'invitation des pouvoirs publics pour, notamment, éviter que nous en soyions délestés par des terroristes islamistes qui recherchaient alors à prendre des armes à feu chez des civils qui en détenaient, pour perpétrer leurs actes criminels », fulminent les villageois. Ils indiquent détenir tous des reçus établis, aux moments des dépôts, par les services concernés de sécurité. Les villages concernés par ce vol déguisé des armes à feu des citoyens, sont notamment Taddart Oufella, Aït-Idir, Ighil Mimoun, Aït-Ali Ouali, Taboudrist, Aït Ahlal, Tamaright, relevant de la commune de Beni Douala. « Que l'administration ou les services concernés de la sécurité dans la wilaya nous convainquent de ce qu'il est advenu de nos armes, ou de nous éclairer officiellement de ce qu'il y a lieu de faire ou d'attendre, pour que nous puissions récupérer nos biens ! » disent-ils, dépités.