L'imprimerie d'Etat, la Simpral, est au bord de l'asphyxie. Elle risque à tout moment de mettre la clé sous le paillasson. Ironie du sort, l'épée de Damoclès qui plane sur la tête de la doyenne des imprimeries est due au fait qu'elle a énormément d'argent, soit 160 milliards de centimes. Seulement, cette somme astronomique reste virtuelle, car n'étant pas encore récupérée par l'entreprise. Ce sont des fonds que les tabloïds, des quotidiens pour la plupart, dont une cinquantaine a depuis longtemps quitté le champ médiatique, doivent à l'ex-imprimerie d'El Moudjahid, mais que celle-ci peine à recouvrer. « Les clients refusent d'honorer leurs dettes, s'inscrivant ainsi en porte-à-faux avec les règles les plus élémentaires de la commercialité », s'indigne Mohamed Aissiouane, directeur général de la Simpral. Le premier responsable de la doyenne des imprimeries de journaux rappelle que ses « incessants » appels de détresse sont restés lettre morte. Les journaux endettés continuent à faire la sourde oreille, d'autant plus que la majorité d'entre eux viennent de « prendre la poudre d'escampette » laissant derrière eux une ardoise de 160 milliards de centimes. Selon la Simpral, il s'agit là d'un véritable « vol qualifié » doublé d'un « délit de fuite ». Le recours à ces expressions propres au vocabulaire judiciaire ne veut pas dire que l'entreprise publique veut se substituer à la justice. « Je veux seulement défendre l'intérêt de mon entreprise et ses 100 employés », explique le gestionnaire. Le « délit de fuite » dont fait état la Simpral n'aurait jamais été possible si la SIA, autre imprimerie d'Etat, avait refusé d'accueillir les journaux incriminés. Pour la Simpral, dirigeants et syndicats confondus, la SIA a « grandement » contribué à donner le coup de grâce à l'imprimerie du 20, rue de la Liberté. Il faut rappeler que, récemment, la section syndicale de la Simpral a tiré à boulets rouges sur la Société d'impression d'Alger (SIA), notamment son premier responsable, M. Mechat, accusé de vouloir vider leur imprimerie. Et de souligner qu'une convention signée entre les cinq imprimeries d'Etat, datant de 2003, comportait pourtant une clause fondamentale pour la survie des entités signataires de l'accord. « Chaque contractant se devait d'obéir strictement à la clause qui ordonnait le refus de prendre un client endetté dans l'une ou l'autre des imprimeries d'Etat. Ce qui n'a pas été le cas pour la SIA. Elle s'est empressée à accueillir plusieurs titres qui tiraient chez nous sachant que ces journaux ont laissé derrière eux des dettes évaluées à des dizaines de milliards de centimes », expliquent les syndicalistes, avant de lancer : « La SIA nous a poignardé dans le dos. » « Les dettes de journaux publics et privés laissées à la Simpral sont estimées à plus de 63 milliards de centimes dont près des trois-quart sont dus à deux quotidiens du secteur public et un quotidien privé », signale Mohamed Aissiouane. Et de citer nommément les titres en question avec les ardoises respectives : El Moudjahid (14 milliards de centimes), Horizons (13,5 milliards de centimes), La Tribune (13 milliards de centimes), Le Jeune Indépendant (7,5 milliards de centimes), El Fedjr (4,8 milliards de centimes), El Bilad (4,3 milliards de centimes), Compétition (4,4 milliards de centimes), Info Soir (400 millions de centimes), El Djemhouria (300 millions de centimes). Où est l'Etat dans tout cela ? « Je dois reconnaître que des initiatives ont été prises à des niveaux supérieurs. Il y a eu même des conseils interministériels (CIM) consacrés aux créances de la Simpral. Malheureusement, cela n'a abouti à rien à ce jour », regrette la DG de la Simpral. La SIA, auprès de laquelle nous nous sommes rapprochés, souhaite garder le silence. « Nous n'avons aucun commentaire à faire. Nous n'avons rien à dire avant que la justice que nous avons saisie tranche la question », s'est contenté de nous indiquer le DG de cette entreprise d'Etat. La Simpral, qui se dit « surprise » qu'une plainte ait été déposée à son encontre, reste « résolue à continuer à se battre ». « Pour recouvrer au moins 20% de notre argent », souligne la direction générale. De leur côté, les pouvoirs publics et la SGP en charge des imprimeries d'Etat (lires encadrés) se disent prêts à « prendre encore en charge » le dossier, et ce, dans l'intérêt de « tout le monde ».