L'universitaire suisse Jean Ziegler chargé d'une mission dans les territoires palestiniens, a été le premier à tirer la sonnette d'alarme sur les questions d'alimentation des Palestiniens, établissant même le lien entre l'occupation et ce fléau utilisé par l'occupant israélien pour soumettre les Palestiniens et briser leur résistance. La situation n'a pas changé. Elle s'est même aggravée, puisqu'un tiers des Palestiniens dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie sont dans une « insécurité alimentaire », selon un rapport établi par l'organe des Nations unies de l'aide alimentaire, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Selon une évaluation globale de la sécurité alimentaire et sur sa vulnérabilité, publiée ce mois-ci, les organisations ont noté qu'environ 34% des Palestiniens ne peuvent pas s'offrir un repas équilibré et 12% courent le risque de connaître cette situation. La zone la plus affectée est la bande de Ghaza dans laquelle 51% de la population souffrent d'insécurité alimentaire. Arnold Vercken, responsable du PAM dans les territoires occupés, souligne que « les familles les plus démunies supportent actuellement une vie précaire totalement dépendante de l'assistance. Elles n'ont ni électricité ni chauffage, et se nourrissent de repas préparés avec de l'eau polluée qui vient de mauvaises sources ». La pauvreté dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie est en train d'augmenter, à cause des sanctions internationales aggravées par des restrictions israéliennes sur la circulation des marchandises, ainsi que sur la mobilité des travailleurs palestiniens pour officiellement des raisons de sécurité. Selon le PAM et la FAO, 84% des Ghazaouis et 60% des habitants de la Cisjordaniens ont réduit leurs dépenses. La famille et les amis avaient toujours partagé de la nourriture à leur table, mais nombreux sont maintenant ceux qui n'ont plus rien à partager, comme le note le rapport. « La solidarité a atteint ses limites. Les familles sont de plus en plus dépendantes de l'aide alimentaire », a déclaré Kirstie Campbell la porte-parole du PAM à Ghaza. Les foyers palestiniens usent de plusieurs stratégies pour s'adapter, comme par exemple réduire les portions de nourriture, ou manger seulement un repas par jour, acheter des aliments de qualité inférieure, et manger moins de fruits, légumes et viande fraîche. Environ 80% des Ghazaouis reçoivent de l'aide de la part du PAM ou de l'UNRWA. Le rapport des deux organismes a conclu que « sans une solution politique, et en particulier la levée des restrictions sur la circulation des biens, marchandises et personnes, une amélioration de la situation humanitaire est peu probable et des millions de personnes vont rester dépendantes de l'assistance ». Une fourniture essentielle de l'aide et des transferts sociaux ont partiellement aidé à amortir la détérioration de la situation humanitaire en Palestine, mais l'aide ne pourra pas compenser entièrement la perte d'autonomie. D'autres moyens de maintenir leur niveau de vie incluent des emprunts à la famille, aux amis et aux marchands du quartier, et la vente de biens, tels que les terrains et les bijoux. Une enquête sur la nutrition a constaté que la malnutrition chronique augmente progressivement. La carence en fer (anémie) toucherait, selon ces estimations, un tiers des femmes et des enfants. Plus de 22% des enfants âgés entre un et cinq ans souffrent d'un manque de vitamine A. Lorsque ce niveau dépasse 20%, on considère que l'on est face à un sérieux problème de santé publique. Les Palestiniens ne maîtrisent pas toutes ces données scientifiques. Mais il est évident pour eux qu'ils vivent la période la plus sombre de leur histoire. Jean Ziegler a interpellé l'opinion internationale dans son rapport que l'ONU le lui avait commandé, et avait refusé d'endosser. L'embargo a accentué le risque de catastrophe. Et l'opinion observe. Mais Jusqu'à quand ?