Mais c'est parce qu'il se soucie de la réception de ses réflexions qu'il a voulu tenter d'autres narratives, plus accessibles au grand public. Il se découvre alors une vocation de romancier et édite Cités à comparaître (Stock 2006, réédité par Sédia en Algérie ) qu'il est venu présenter à Alger, d'abord, puis à Oran jeudi dernier, invité par le Centre culturel français. L'auteur se dit engagé et il assume un choix en précisant, d'emblée, référence au thème du livre mais aussi au registre langagier, proche du parler de la rue, adopté dans l'écriture, qu'« il s'agit d'un parti pris littéraire ». Au sujet de cette langue utilisée, il a indiqué que, Franco-Algérien, il a « vécu 10 ans en Algérie et 10 ans dans une cité de banlieue par un accident de l'histoire ». Sans se « revendiquer » d'une appartenance à cet environnement, il considère juste qu'il a assez côtoyé ce milieu pour pouvoir se réapproprier ses codes. Il s'érige contre « une littérature bourgeoise qui fait dans l'autofiction », une littérature jugée « égoïste, individualiste, qui se soucie peu de l'autre » et qui, selon lui, « domine la scène littéraire depuis les années 1980 ». Vu sous cet angle, sachant également qu'il s'inscrit dans « le mouvement réaliste », son roman est une révolte comme peuvent l'être dans la réalité les cris des déclassés, des marginaux, des Français d'origine étrangère discriminés, les résidents dans les cités défavorisées au milieu de la grisaille du béton, etc. Le souci de l'auteur va donc vers cet ensemble de catégories sociales auxquelles la République tourne le dos. Pourtant, malgré un rejet implicite de la « société de consommation », nulle trace de considérations idéologiques, ethniques ou religieuses et le « terrorisme », dont il est question dans son roman, n'est ni islamiste, comme on aurait tendance à le croire d'emblée, ni mu par une autre idéologie extrémiste. Adoptant l'idée selon laquelle le destin d'un être et les choix qu'il est appelé à faire sont aussi déterminés par son environnement, Karim Amellal considère que, face à la carence des repères, l'individu devient une proie potentielle à toute sorte de déviations. Le « héros » de son récit n'a pas de père mais la symbolique identitaire n'est pas pertinente car l'auteur, l'argumentaire d'études sociologiques à l'appui, est convaincu que, concernant, à titre indicatif, les Français d'origine maghrébine, le malaise ou le mal-être ressenti et les revendications qui s'ensuivent ont pour origine des considérations socioéconomiques et non pas culturelles ou identitaires. « Nous parlons en ce moment, concernant l'immigration, de 3e génération et les personnes issues de cette catégorie se sentent Français à part entière car ils savent que dans les pays d'origine de leurs parents, s'il leur arrive d'y aller, ils sont accueillis comme des étrangers », déclare-t-il, lors de la présentation de son livre, en insistant sur la nécessité d'alerter les gouvernants sur les nouvelles frontières qui se créent et que cachent sans doute les discours sur les bienfaits ou (dans le meilleur des cas) la fatalité de la mondialisation. Dans le roman, le personnage « cité » à comparaître ne sait pas pourquoi il est devant le juge et le lecteur ne sait pas non plus pour le compte de qui l'action pour laquelle il a été impliqué a été menée car les commanditaires ne sont pas identifiés. L'auteur n'exclut pas le thème de l'absurde et cite L'Etranger de Camus, un auteur dont il est familier. Par ailleurs, en parallèle à la « littérature bourgeoise » qu'il dit rejeter dans le fonds et la forme, on assiste ces dernières années en France à l'émergence d'une génération d'auteurs de polars à succès. Un genre qui se prête à l'analyse sociale et des observateurs de la scène littéraire ont relevé le militantisme de gauche (extrême gauche parfois) qui a caractérisé certains auteurs de romans policiers des plus en vue. L'auteur de Cités à comparaître s'est dit amateur de littérature populaire mais la comparaison s'arrête là. Pour comprendre cet engagement, peut-être d'un genre nouveau, tout dépendra du contenu du manifeste qui sera publié en quatrième de couverture d'un recueil de nouvelles, un ouvrage collectif (une dizaine d'auteurs partageant les mêmes préoccupations) attendu pour la rentrée littéraire.