Pour Nadia Nouasser (1), l'univers est un paradis vivant. Poésie où la mer, le soleil, les images ne sont jamais immobiles, calcinés ou en train de se dissoudre : « Que la nuit est blanche. Elle sent la mer, Les maisons ouvertes, aux groupes d'enfants, en sourdine. La cadence solitaire D'une barque se perd, Dans un sillage d'air... » Nadia Nouasser ferme la série des poétesses pleureuses et ouvre une nouvelle manière d'appréhender la réalité. Parfois, la pensée encombre et appesantit un peu son inspiration. Ce défaut n'est pas présent, toutefois, dans la majorité de ses admirables poèmes. Pour la poétesse, la nature a un corps immense, un corps de déesse-mère. Elle parle de son propre corps, comme s'il s'agissait de celui de la terre : « La terre est sèche, elle a soif, Elle se fend. Sur les lèvres des crevasses. Les lézards brûlants courent en flammes. » La poétesse chante la nature, l'été, comme si elle devenait elle-même tour à tour montagne, ciel, arbre. Cette plénitude est menacée toujours par la mort. Aussi, la poétesse a une immense tendresse pour tout ce qui vient de naître. Des images étonnantes tombent de sa plume. Le chant jaillit d'un être au tempérament tendre et garde la saveur primesautière de l'improvisation : « Aimer toutes les fleurs. Les aimer jusqu'au bout du cœur Mais en silence. N'est-ce pas la seule façon. D'avoir la force d'être fidèle ». Un exemple ravissant de fidélité, transposée en poésie limpide. Nadia Nouasser est une poétesse sensible, lucide, au style raffiné, aux images (parfois) abstraites et (parfois) déchirantes. L'atmosphère de la ville d'Annaba et de ses côtes vit dans ses vers avec ses lumières ensorcelantes. Mais la condition de la femme n'est pas absente de sa poésie ; au contraire, elle est souvent transposée en vers délicats : « II y a déjà au fond de tes yeux L'adieu muet et douloureux. Des gens qui partent. Si ta main est froide dans la mienne. C'est qu'elle agite déjà. Dans la brise crépusculaire de la baie franchie. Un mouchoir trempé de larmes et de bruine ». Nadia Nouasser sait exprimer ses expériences avec une cohérence émouvante. Dans ses poèmes délicats, colorés et parfaitement bien réussis, brille une beauté éclatante. Nadia Nouasser est née à Annaba en 1964. Elle est enseignante. Son plus beau recueil de poèmes (en arabe) est intitulé Exilée dans les herbes de ta poitrine