La situation demeure tendue à Ghardaïa même si les commerçants ont suspendu depuis hier leur mouvement de grève pour ne pas trop pénaliser la population en ce Ramadhan. En plus des onze qui ont été condamnés à quatre mois de prison ferme, 25 manifestants, arrêtés lors du sit-in observé mercredi 13 octobre, sont dans leur cachot en attendant leur jugement, parmi lesquels 11 qui passeront devant la chambre criminelle. Les chefs d'inculpation retenus contre eux sont : incitation à l'insurrection pour les uns, attroupement illicite pour les autres. Selon Me Noureddine Ben Issaâd, avocat du FFS, les autorités locales ont répondu de la manière la plus violente au point de transformer un mouvement de grève, somme toute légitime, en une affaire d'Etat. Elles n'ont pas tenté la médiation, alors que la loi exige que « lorsqu'il y a des contestations qui peuvent dériver, les responsables locaux doivent engager une forme de médiation avant de passer à tout autre action », a-t-il précisé dans une conférence-débat sur ces événements animée hier au siège du FFS. « Il y a deux sortes d'insurrection : armée et non armée. Mais les commerçants n'ont rien fait de semblable. Ils ont seulement opté pour une forme d'expression pacifique consacrée dans la Constitution », a-t-il indiqué. Aux côtés de Ali Laskri, premier secrétaire, et Kamel Eddine Fekhar, élu et fédéral de Ghardaïa, Me Ben Issaâd insiste sur le caractère violent avec lequel ont réagi les autorités locales. « Ils les ont matés. Il y a même eu des personnes qui ont subi des exactions. On a enlevé pour certains manifestants leurs vêtements dans la rue », a-t-il souligné. Pour lui, il y a un motif et un mobile. Le motif est le maintien de l'ordre public. Le mobile, c'est la suppression par le pouvoir de toutes les libertés fondamentales. « Quand l'Etat viole ses propres lois, il ne reste rien à dire », a-t-il lâché avant de préciser que la grève est un « droit garanti par la Constitution ». Kamel Eddine Fekhar, également poursuivi en justice et actuellement en « fuite » à Alger, apporte son témoignage : « La grève décidée par les commerçants est légitime. Ils ont ras le bol de subir, seuls, les services des impôts et de contrôle des prix, alors que le marché informel s'est installé devant leurs modestes boutiques sans que ceux qui exercent dans ce secteur soient inquiétés. C'est injuste ! » Avant que les débordements n'aient lieu, ajoutera-t-il encore, « les commerçants ont observé un sit-in qui s'est déroulé dans le calme. Ces derniers ont exigé en effet la rencontre du wali de Ghardaïa pour ouvrir le dialogue, mais celui-ci a préféré plutôt actionner sa machine répressive. Chose qui est considérée comme du mépris par les protestataires. Ainsi, ils ont décidé de faire une marche. Mais la police a riposté par des bombes lacrymogènes afin de disperser la foule. Il y a eu plusieurs blessés et des cas d'asphyxie, dont Moussa Khezrat qui est hospitalisé. » De son côté, Ali Laskri dit que son parti exige une liberté inconditionnelle pour l'ensemble des détenus, dont certains sont des militants du FFS. Comme il demande d'arrêter toutes les poursuites contre ces manifestants et militants des droits de l'homme. « On interpelle les autorités au plus haut niveau en leur disant que ce n'est pas de cette manière qu'on va administrer un pays », lâchera-t-il d'un ton sec. Le premier secrétaire du FFS n'a pas hésité à faire le parallèle avec ce qui s'est passé à T'kout, El Bayadh et en Kabylie. Selon lui, le pouvoir est en train de fermer le jeu et d'interdire toute forme d'expression libre. « Nos dirigeants veulent bâillonner et museler la société et étouffer toute voix discordante », a-t-il clamé. Maître Ben Issaâd renchérit : « Nous avons envoyé un rapport détaillé à l'Observatoire mondial des droits de l'homme qui est rattaché directement à Kofi Annan. » Le FFS ne compte pas subir les faits, mais il mobilisera tous les moyens nécessaires pour obtenir la libération des détenus. Il envisage même d'organiser une marche de protestation de ses élus à travers le pays, en sus du travail de sensibilisation de l'opinion nationale qu'il a déjà entamé.