Le cortège accompagnant le docteur Saïd Sadi s'immobilise (14h50) à l'entrée de la place des Trois Horloges, cœur battant du quartier mythique de Bab El Oued. Le cortège s'était ébranlé depuis le bureau d'Alger du RCD, rue Didouche Mourad, avec des voitures harnachées aux couleurs du parti. Saïd Sadi, tête de liste du RCD à Alger, a donc choisi d'étrenner sa campagne électorale par un quartier très symbolique qu'il connaît fort bien, du reste, pour avoir exercé comme médecin à l'hôpital Maillot. M. Sadi descend de la Laguna qui le transporte et se dirige directement vers un square bordant la mosquée En-nasr. La place, rappelle-t-on, avait été lourdement ravagée par les inondations du 10 novembre 2001. Nacer Maghnine, président de l'association SOS-Culture Bab El Oued, lui servira de guide. Une cohorte de militants, de sympathisants, de cadres du parti et autres photographes se forme aussitôt dans son sillage. Dans la foule, une femme discrète : c'est Djohar Sadi, la femme de M. Sadi. Le président du RCD dépose une gerbe de fleurs à même le mémorial des victimes des inondations et lit la Fatiha. Des jeunes s'agitent au loin : « Atouna l'visa ! » (donnez-nous le visa) scandent-ils. M. Sadi entame ensuite une balade pédestre et s'engage d'emblée dans la rue Colonel Lotfi. La rue est particulièrement animée avec ses vendeurs à la criée et ses tréteaux bariolés qui squattent les trottoirs et où se mêlent lingerie féminine, CD pirates et téléphones portables. « Khallouna n'biou ! » (laissez-nous vendre !) s'écrie un jeune trabendiste. Sur une rangée de panneaux d'affichage, une seule affiche : celle du PNSD. La population découvre mollement le début de la campagne électorale. Armé d'un mégaphone, un militant entonne : « Djazaïr hourra dimocratiya » (pour une Algérie libre et démocratique) avant d'être imité par d'autres affidés. Des femmes lancent des youyous. La sortie se mue presque en manifestation populaire pour la démocratie dans une ville interdite de marches depuis le 14 juin 2001. « Atouni essoukna n'voti alikoum ! » (donnez-moi un logement et je voterai pour vous), lâche un barbu. Un large sourire sous la moustache, M. Sadi n'hésite pas à aller vers les citoyens, distribuant poignées de main et accolades. Il s'engouffre ensuite dans un immeuble de la rue Aouf Sid-Ali où il rend visite à un bureau local de l'ONEC. M. Sadi bifurque vers la rue Brahim Gharafa qui abrite, entre autres, la fameuse librairie Chihab et la maison d'édition éponyme. Il fait une halte devant le commissariat en face de la clinique Durando et échange des saluts avec des policiers en faction. Le candidat du RCD enchaîne par un établissement emblématique de Bab El Oued, le café Achour, où il discute avec des jeunes. Poursuivant son pèlerinage, il salue des femmes, des enfants, des vieux, mais surtout des jeunes. Il se jette dans un marché populaire, avenue des Consulats avant d'échouer au café L'Equipe, proche de l'USMA. Pour « équilibrer », il s'arrête dans un café pro-Mouloudia avant de tourner vers la place Le Lièvre, rue Ali Chaâlane (ex-Jaurès). Il monte dans un vieil immeuble sis au 9, rue Jean Jaurès. La bâtisse menaçant ruine abrite 16 familles qui risquent la mort collective à tout moment. M. Sadi termine son périple au siège de l'association SOS-Culture Bab El Oued où il apprend que le quartier ne dispose d'aucun centre culturel ou maison de jeunes. A noter que dans la matinée, le président du RCD avait animé un point de presse où il avait exposé les grandes lignes de sa démarche électorale. Il a appelé les Algériens à aller voter massivement le 17 mai prochain « pour faire barrage à la fraude ». Il a, par ailleurs, souligné qu'il fera de la lutte contre la corruption un de ses thèmes de campagne et une « priorité nationale ». Le docteur Sadi a tenu à dénoncer, au passage, le rejet de la candidature de Abdelmadjid Azzi, n°3 de la liste d'Alger du RCD, une manœuvre qu'il a qualifiée de « scandaleuse » et qu'il a imputée à de graves dysfonctionnements de la justice. A une question sur l'alliance républicaine ANR-UDR-MDS-Hocine Ali, Saïd Sadi a regretté que cette alliance soit entachée par « des personnes qui se sont laissé entraîner sur le registre de la corruption », dans une allusion à peine voilée à Amara Benyounès. « Un moderniste corrompu est avant tout un corrompu », a-t-il ajouté avant de marteler : « On n'a pas le droit de polluer l'espace démocratique. »