Engagée au début de l'année 1995 sous l'impulsion du Fonds Monétaire International, la flexibilité du travail entendue dans le sens de la généralisation des contrats à durée déterminée (CDD) est aujourd'hui la règle dans pratiquement tout le secteur public économique. Si ce mode de relation de travail rend beaucoup service aux entreprises en ce sens qu'elles peuvent plus aisément se séparer de leurs employés en cas de difficulté de gestion, les travailleurs sont par contre devenus trop vulnérables aux dérives des employeurs qui peuvent user et abuser de la précarité de leur statut. Par ailleurs, en omettant de mettre en harmonie les textes de la dépermanisation avec le reste de la législation (avec un CDD aucune banque n'acceptera par exemple de vous accorder un crédit immobilier celui ci étant réservés aux seuls travailleurs permanents), la flexibilité a, à l'évidence, précarisé la situation sociale des travailleurs temporaires. Précarité de la situation socioprofessionnelle Les actions de dépermanisation engagées à la faveur des restructurations industrielles des années 90 (rachat et des contacts à durée indéterminée) et le recours systématique à l'embauche à durée limitée, ont en effet précarité la situation socioprofessionnelle de l'écrasante majorité des travailleurs du secteur public économique, autrefois surprotégés, pratiquement au même titre que les fonctionnaires, par la législation du travail (SGT) qui leur garantissait la pérennité de l'emploi quels que soient les résultats de l'entreprise. Les travailleurs et notamment ceux recrutés après 1997, sont aujourd'hui soumis aux rigueurs des redoutables contrats à durée déterminée (CDD). Leurs contrats de travail sont renouvelés périodiquement (généralement tous les ans) ou résiliés, au gré de l'appréciation des employeurs. La dépermanisation à grande échelle opérée à la faveur des restructurations industrielles de la fin des années 90 et les aménagements apportées au droit du travail dans le but de rendre l'emploi plus flexible, feront du contrat à durée déterminée le mode de relation de travail le plus usité en Algérie. Environ 1,2 millions de travailleurs sont déjà concernés et le recours à ce mode de recrutement tendrait à se généraliser au gré de la mise en place de l'économie de marché dans notre pays. La précarité de l'emploi étant devenue la règle, le CDD s'est aujourd'hui déjà imposé comme instrument privilégié de gestion des carrières qui peuvent brutalement prendre fin sur simple décision de l'employeur, contre lequel l'employé malheureux ne peut absolument rien. Si la dépermanisation constitue une réelle avancée pour les entreprises publiques ayant besoin de mettre leurs effectifs à la norme (cas des entreprises du bâtiment qui croulaient sous le poids des sureffectifs), l'application contestable qu'en feront certains gestionnaires - malheureusement fort nombreux – suscite des interrogations. De nombreuses voix (plaintes de travailleurs lésés dans leurs droits, revendications de nombreux syndicats) se sont élevées contre l'application de ces contrats de travail précaires et révocables qui confèrent aux chefs d'entreprises le pouvoir de gérer comme bon leur semble la carrière des contractuels forcés de s'y plier en raison de la précarité de leur emploi. Les cas de contrats de travail non reconduits pour des raisons purement subjectives sont en effet légion, de même qu'il est souvent fait état de contractuels licenciés dans le seul but d'accorder les emplois libérés à des connaissances ou en échange de services rendus. On se souvient que de leur temps les ex holdings publics avaient souvent été destinataires de requêtes et autre lettres dénonçant ce type de dérive ce qui témoigne de l'ampleur du problème dés les premières années de la dépermanisation. La précarité du contrat à durée déterminée contraignant leurs titulaires à plus de docilité pour préserver leurs emplois, certains chefs d'entreprises n'hésiteront pas à les priver de droits que leur accordent pourtant la législation du travail. Il n'est pas rare que des employeurs décident du jour au lendemain de rétrograder des cadres sans autre raison que celle de faire économiser de l'argent à l'entreprise, de ne plus leur accorder de prime de rendement, de ne pas tenir cas de leur ancienneté (IEP) pour le calcul de leurs salaires pour ne citer que les cas les plus flagrants de violation de la législation du travail. S'en plaindre équivaudrait à mettre en doute la reconduction de son contrat de travail notamment en cette période de relâchement du contrôle par les inspections du travail. Des recrues exploitées Visiblement dépassés par l'ampleur des entraves au droit du travail et les lenteurs de la justice à instruire les plaintes qu'ils leur transmettent, les inspecteurs du travail ont en effet beaucoup perdu de leur ardeur à traquer les entorses à la législation du travail. Certains employeurs sans scrupules en profiteront pour exploiter sans vergogne leurs recrues qu'ils relégueront à une situation de précarité absolue. Les contractuels ne peuvent pas non plus compter sur la protection des syndicats que la dépermanisation a considérablement affaibli par la création de deux collèges au sein de la même entreprise :celui des travailleurs permanents (CDI) qui peuvent revendiquer sans risque d'être licenciés et les travailleurs temporaires (CDD) qui risquent à tous moments de perdre leur travail. La docilité étant le meilleur moyen de préserver son emploi quand on est un travailleur temporaire, la syndicalisation ne fait évidemment pas recette chez ces contractuels précaires et révocables qui craignent qu'elle soit mal perçue par leurs patrons. Sous menace de révocation ou de non reconduction de leurs contrats, les employeurs empêchent en effet les travailleurs temporaires d'adhérer à un syndicat ou d'initier des actions de revendication au sein de l'entreprise. C'est pourquoi on constate que partout où la dépermanisation a avancé le syndicalisme a au contraire régressé. Dans de nombreuses sociétés où les travailleurs n'aspirent plus qu'à sauvegarder leurs emplois l'action syndicale a totalement disparue laissant le champ libre à toutes sortes d'abus. Bien que la dépermanisation n'ait pas atteint les objectifs pour lesquels on l'a mise en œuvre (rentabilité et performance des entreprises publiques), plus personne ne remet aujourd'hui en cause son utilité. Les griefs portent uniquement sur sa mise en œuvre par certains chefs d'entreprises qui enfreignent la législation du travail et bafouent les droits des travailleurs. En l'absence de contre pouvoirs légaux ( inspection du travail, justice, syndicats ) la dépermanisation est devenue une arme redoutable au mains d'employeurs qui usent et en abusent notamment en cette période de rareté de l'emploi où le travailleur est prêt à tout subir pour préserver son gagne pain. C'est pourquoi il est indispensable que ces contre pouvoirs interviennent pour prévenir et sanctionner ces dérives qui ont déjà fait perdre aux travailleurs algériens de considérables acquis sociaux. Une action énergique est surtout attendue de la justice et des inspecteurs du travail présents sur l'ensemble du territoire national, en vue d'empêcher que les contrats à durée déterminée ne deviennent des instruments de chantage.