Et si les élections présidentielles françaises allaient tout simplement se jouer sur l'indice du chômage ? Il y a huit mois déjà le magazine d'économie français l'Expansion publiait une enquête qui montre que les candidats vainqueurs aux élections du printemps sont ceux qui ont bénéficié d'une évolution favorable de l'indice de chômage durant l'année précédente s'ils sont aux affaires ou défavorables à leurs adversaires s'ils sont dans l'opposition. Cette approche des résultats des présidentielles par l'indice du chômage se serait révélée pertinente en 1981, Mitterrand bénéficiant des difficultés du gouvernement Barre sous la présidence Giscard, obligé de lutter contre l'inflation au détriment de l'emploi. Puis à nouveau au profit de Mitterrand en 1988, les chiffres du chômage s'étant creusés lors de la cohabitation durant laquelle Chirac – le candidat défait - était à Matignon. C'était ensuite à Chirac de profiter en 1995 face à Lionel Jospin de la décrue du chômage entamée sous le gouvernement Balladur. La preuve par les chiffres de l'emploi n'a pas pu être apportée dans le second tour atypique de 2002 opposant Chirac à Le Pen. La règle suggérait par cette corrélation indice de l'emploi – victoire au second tour que ce soit Lionel Jospin qui serait devenu président s'il avait affronté Chirac au second tour, car son gouvernement avait longtemps réussi sur ce front. Tout le monde admet que les présidentielles de 2002 se sont jouées peut-être pour la première fois sur un autre enjeu que le bien-être économique et social direct des électeurs. Cette approche par l'emploi rappelle insidieusement que le gouvernement Jospin a fait ses meilleurs résultats contre le chômage au début de son cabinet et qu'il avait plutôt souffert d'un tassement de la conjoncture à partir du second semestre 2001. Ce qui lui a valu son absence au second tour. Tout cela aide mieux à comprendre la bataille autour des indices du chômage qu'a connue la campagne présidentielle en France. En effet, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) est revenu à 8,3% de la population active en mars, après 8,4% en février. Il n'a jamais été aussi bas depuis juin 1983. Ce taux est en baisse continuelle depuis deux ans. Il a d'ailleurs permis de pronostiquer - dans cette fameuse enquête de l'Expansion - depuis huit mois que le candidat qui représenterait la majorité sortante aux élections présidentielles l'emporterait. Cela serait en train d'en prendre le chemin avec l'avance significative – mais non décisive - de Nicolas Sarkozy au soir du premier tour. Mais le bras de fer autour des chiffres de l'emploi prend toute son ampleur lorsqu'on apprend que les statisticiens du ministère de l'Emploi ont fait grève jeudi contre la parution de leurs propres chiffres, car ils les estiment peu probants tant qu'on n'aura pas introduit des correctifs qui tiennent compte d'un toilettage dans le suivi des demandeurs d'emploi intervenu l'année dernière au niveau de l'ANPE. La controverse a été avivée par la décision le mois dernier de l'Office européen des statistiques, Eurostat, de réviser à la hausse le taux de chômage français, à 8,8% en février au lieu de 8,4% selon le gouvernement français. La preuve serait faite que le chiffre du chômage est une arme de campagne stratégique : le gouvernement français est en effet soupçonné d'avoir fait retarder la publication d'une enquête de l'INSEE sur l'emploi qui montrerait que la baisse du chômage n'est pas aussi ample si on recalcule selon le mode de suivi des demandeurs d'emploi en vigueur depuis 2006. La publication initiale était prévue juste avant le premier tour des présidentielles. Un taux de chômage plus élevé que celui connu aurait fait désordre. Le redressement de l'emploi étant brandi depuis de longs mois à l'actif de Nicolas Sarkozy qui a fait passage de quelques mois à Bercy (ministère de l'Economie). Mais 8,9% ou 8,3%, l'important n'est-il pas plutôt la sensation de l'opinion par rapport à l'évolution favorable ou pas du marché du travail ?