L'art n'est jamais simple. Dans le moule où se forge l'objet d'art, l'artiste laisse une partie de lui-même qui lui permet ensuite de le revendiquer comme sien. II met dans ce qu'il crée son temps, sa force, son savoir-faire, son intelligence, sa volonté, son espoir et parfois son désespoir. Les roses de la mer, ainsi que Farid Bouridj appelle ses créations ciselées adroitement dans du nacre de manière à rassembler ces fleurs, témoignent du délicat et patient travail qu'il a fallu à l'artiste pour les tirer du néant. On imagine, en effet, ce qu'il a fallu comme efforts à Farid pour aller chercher la gorgone, cet animal marin qui vit à plus de 15 mètres de profondeur dans la mer et que les marins prennent tout à fait fortuitement dans leurs filets. On devine également la peine qu'il se donne pour aller chaque jour prendre les mollusques dont les valves servent à forger les roses, ou les éponges dans lesquelles Farid découpe les supports pour ses objets. L'artiste utilise aussi un autre matériau pour créer : le corail. Mais le corail se fait de plus en plus rare sur le marché, depuis que la pêche de cet autre animal marin appelé également cnidaire, est interdite. Ce qui explique le peu d'objets réalisés avec du corail. Du fait que Farid est en contact permanent avec la mer, des liens puissants se sont tissés entre l'artiste et la grande bleue. Ce qui lui fait dire ingénument (naturellement, l'artiste est par nature un naïf) dans un beau poème de son invention : « Une passion m'emporte. Vers un monde de rêve, un monde de roses. Mes roses n'appartiennent pas à la nature. Elles sont le fruit de mon imagination et de mon art. » Alors, quand la mer est menacée par quelque projet comme cette station d'énergie construite sur la côte, à l'endroit où l'artiste s'approvisionne en matériau, sa réaction est des plus vraies. Une photo le montre entre la ministre de la culture et l'ancienne wali de Tipaza en train de dénoncer ce projet qui pollue l'eau de mer. Farid qui a participé à une grande exposition en janvier 2005 à Timimoun rapporte des tas de souvenirs consignés dans son livre d'or. Ainsi, Geneviève, cette touriste française a « trouvé des fleurs qui parlent de l'eau, un élément de la vie et de profondeur. Les pétales de vos roses sont presque aériens, tournés vers le soleil. » « Couleurs délicates, travail harmonieux, recherche sophistiquée », écrit sur le même livre, une autre Geneviève, lycéenne celle-là, qui « espère qu'on pourra voir votre travail en france, à Strasbourg. » Il faut dire que le livre d'or contient d'autres appréciations tout aussi intelligemment exprimées sur le travail du jeune artiste qui nous confie que son cœur ne bat que pour la mer qui lui parle et le comprend.