Plusieurs œuvres inédites de la regrettée et immense artiste peintre Baya ornent, depuis mercredi dernier, les cimaises du Musée national des Beaux-Arts d'Alger. Cette remarquable exposition, qui est placée sous le thème « Baya : un appel singulier », englobe une centaine de tableaux dont une cinquantaine jamais exposée jusque-là. Les autres œuvres appartiennent à des collectionneurs privés et au Musée des Beaux-Arts d'Alger. Celle qui ne signa jamais ses œuvres que de son seul prénom, nous offre avant tout une exposition à forte charge émotionnelle où, progressivement, l'esthète est transporté dans un monde regorgeant de couleurs et de formes. Comme l'avait si bien analysé de son vivant le regretté plasticien Mohamed Khadda : « On s'extasie sur la spontanéité primitive de cet art, on découvre avec un émerveillement, non exempt de paternalisme, l'expression naïve à l'état brut, vierge, sauvage enfin. » En effet, tel un leitmotiv, les œuvres de Baya sont un hymne à la vie et à l'espoir. Avec ces tracés fluides qui la caractérisaient, elle a réalisé tout au long de sa vie des peintures fabuleuses représentant un monde peuplé de monstres fantastiques figés dans la cire et de filles-fleurs éclatantes, de femmes-oiseaux voluptueuses, des instruments de musique... baignant dans des décors paradisiaques. La défunte avait commencé à placer dans ses dessins des instruments de musique, quelques années après son mariage avec El Hadj Mahfoud qui était musicien. De ses peintures, il se dégage une constance dans la répétition des formes, sans cesse réinventées. Baya construit un univers clos, exclusivement féminin, tout à la fois reclus et souverain. Dans son dernier tableau anonyme, qu'elle n'a pu achever à cause de sa maladie qui l'a emportée en 1988, on aperçoit sur la toile en question, une femme de couleur bleue évoluant dans un espace de plantes luxuriantes. Tendant les mains vers le ciel, cette dame semble implorer son créateur. ça et là, des papillons, des poissons, des bouquets de fleurs, des cruches et des fruits aux couleurs musicales voltigent, se détachent sous une lumière radieuse en un espace qui refuse toute perspective illusionniste. La collection en question, qui se poursuivra jusqu'au 22 juin au Musée des Beaux-Arts d'Alger, a permis de découvrir une autre palette de Baya, celle de son travail sur la céramique. En effet, une collection de céramiques, réalisée durant les années 1940, a été dévoilée au grand bonheur des uns et des autres. Ainsi, le visiteur sera invité à voir avec beaucoup de ravissement un plat, un bougeoir, un pied d'abat-jour, un pot ainsi qu'un masque. Dans le catalogue de présentation de l'exposition, il est souligné qu'à travers la céramique, « c'est sans doute sa propension au raffinement et à la construction d'œuvres délicates qu'elle a voulu mettre en avant, tandis que pour la sculpture, il s'agit de ce lien indéfectible qu'elle entretient avec la terre et la propulsion que cette dernière lui a procurée pour atteindre les confins de ces mondes vers lesquels elle voudrait nous entraîner, en vain ».