Le diamant est éternel. Ou presque. Depuis 1833, date de la découverte de trois petits diamants dans l'oued Rhummel de Constantine, les organismes de recherches géologiques n'ont pas chômé. Tamenrasset. De notre envoyé spécial Etalées dans l'espace et le temps, ces recherches ont abouti à la découverte de 4 petits diamants dans le Hoggar oriental et occidental. Jusqu'au milieu des années 1970, où une campagne de prospection plus sérieuse, et qui s'est terminée en 2001, a mis en évidence un placer (bassin alluvionnaire) contenant près de 1500 grains de diamant du côté de Reggane. En y ajoutant quelques autres diamants retrouvés à l'ouest du Hoggar, c'est donc dans ce vaste ensemble géologique, entre la plaine du Tidikelt, le Hoggar occidental, le désert du Tanezrouft et l'Eglab (vieux massif à la frontière mauritanienne) qu'ont été recentrées les recherches sur le minéral le plus prestigieux de la planète. Cristal flamboyant, le plus dur, le plus fin et le plus cher des minéraux, la paragénèse du diamant, c'est-à-dire que l'ensemble de ses conditions de formation est connu depuis longtemps. Le diamant, minéral constitué exclusivement d'atomes de carbone assemblés à de très hautes pressions et températures sous la croûte terrestre, est remonté par des phénomènes volcaniques à la surface, le magma transportant dans son mouvement ascendant les pierres précieuses pour les sédimenter à des kilomètres plus haut dans des roches ultrabasiques de type péridotite. C'est cette cheminée diamantifère qu'on appelle mine de diamants, source primaire du cristal, pipe volcanique qui contient les diamants incrustés. Aux dernières nouvelles, elle n'existe pas en Algérie et même la société sud-africaine De Beers, numéro un mondial du diamant, contactée par l'Office national de géologie, est arrivée ici pour une campagne de prospection et ne l'a pas trouvée. Dans tous les cas, c'est cette cheminée incrustée de diamants que tout le monde recherche, les diamants (alluvionnaires) retrouvés un peu partout dans le Sahara provenant d'une source primaire, la cheminée, à partir de laquelle les agents d'érosion (vents et oueds) ont transporté ces petits diamants. Où est-elle ? Où est cette mine de diamants ? Personne ne le sait, si toutefois elle existe, sujet autour duquel les géologues algériens spécialisés dans le diamant sont partagés. Les uns affirment qu'elle est bien là, dans ce vaste territoire, sous terre ou affleurant, les autres au contraire, qu'elle est peut-être ailleurs. Ces diamants retrouvés viennent bien de quelque part ? Oui. Mais de Mauritanie peut-être ou du Mali, les anciens oueds de la région circulant à l'époque sur de longues distances. D'où viennent alors les diamants constantinois de 1833 ? Peut-être justement déposés par ces anciens oueds qui parcouraient des milliers de kilomètres pour certains d'entre eux, à l'instar de l'oued Igharghar, qui après 2000 km du Sud au Nord, déboulant du massif du Hoggar en ramassant tout sur son passage, allait se jeter près de Constantine. Ces diamants de Constantine viennent-ils du Hoggar ? Une géologue très au fait des recherches sur le précieux cristal rigole : « Peut-être les bijoux d'une riche constantinoise qui les aurait perdus dans l'oued, prise de panique à l'arrivée des Français. » Bled el Mass, le pays du diamant C'est dans la région du Bled El Mass, littéralement « le pays du diamant », zone d'alluvions sableuses située au sud-ouest de Reggane, au nord de l'Assedjrad, autour des champs gaziers du Djebel Aberraz, qu'ont été trouvés les 1500 diamants, enfouis dans des sables récents du quaternaire. Des grains de diamants plus exactement, puisque le plus gros ne dépasse pas les quatre millimètres de diamètre. Il y a donc des diamants dans la région et ce placer a récemment été mis en concession par la direction des mines algériennes. Mais aucune société, nationale ou étrangère, n'a daigné l'acheter. Ce qui veut dire que personne, parmi les spécialistes mondiaux du diamant, ne croit à la présence d'une kimberlite diamantifère dans le coin, seule exploitation financièrement rentable, les 1500 diamants étudiés recelant une faible valeur en joaillerie, plutôt destinés à l'industrie. Pourtant, la direction des mines affirme presque que la mine, c'est-à-dire la cheminée volcanique diamantifère, est quelque part par là et qu'il suffit de creuser pour la trouver. Un géologue de l'université de Bab Ezzouar pose la question : « Pourquoi l'Office national de géologie minière (ORGM) n'a-t-il pas creusé lui-même pour trouver la cheminée ? » En privé, on explique que l'ORGM n'a pas assez d'argent pour financer des forages, de la prospection géophysique et géochimique. Pourtant, si c'est vrai, une kimberlite diamantifère pèse entre 1 et 10 milliards de dollars, ce qui couvrirait toutes les dépenses. C'est pour cette raison que l'Office des mines a contacté de grands investisseurs, comme Sonatrach pour financer la recherche des cheminées précieuses. Aux dernières nouvelles, la compagnie d'hydrocarbures a refusé de mettre de l'argent dans la prospection, jugeant elle-même peu vraisemblable la présence d'une cheminée en sous-sol, d'autant par ailleurs que ces diamants n'ont pas une grande valeur commerciale. « Le diamant c'est bien », explique un géologue, « l'argent c'est mieux ». Les diamants africains Géologiquement et c'est officiel, l'Algérie est bien en Afrique, même si culturellement, l'Algérie blanche aime bien jouer à la Méditerranéenne, ce qu'elle n'est pas vraiment. Mais contrairement à ce que l'on pense généralement, le Hoggar n'est pas répertorié parmi les terrains et formations les plus anciens du continent. Dans tous les cas, pour M. T. Bouarroudj, directeur général des mines algériennes, la présence de sources primaires de diamants est probable. Arguant de la présence de conditions géologiques favorables et de sources secondaires comme les placers alluvionnaires où ont été retrouvés les grains de diamant, les pipes diamantifères sont pour lui peut-être quelque part, probablement vers l'Eglab, à l'instar des autres pipes diamantifères africaines de la région. Car en dehors des pays connus comme l'Afrique du Sud ou le Congo pour leurs mines de diamants exploitées, ceux du nord du continent sont situés dans le craton ouest africain, ce vieil ensemble géologique qui traverse la Guinée, le Ghana, la Sierra Leone et la Mauritanie, pays dont les gisements de diamant sont connus. Une partie de ce craton touche l'Algérie, du côté de l'Eglab au sud-est de Tindouf, à cheval entre les frontières mauritaniennes et maliennes, autour du village Chenachène, seul point habité d'une vaste région de 100 000 km2. S'il y a des diamants en Mauritanie, comme on l'a récemment découvert dans des filons magmatiques, il y en a probablement en Algérie, puisque les terrains sont les mêmes, compris entre 2 et 3 milliards d'années. Beaucoup de géologues en sont convaincus, d'autant que des minéraux indicateurs, associés généralement aux diamants, ont été trouvés sur place, comme les pyropes, les ilménites kimberlitiques et les picro-ilménites, les chrome-spinelles et les chrome-diopsides. C'est donc là, dans l'Eglab, que les recherches les plus sérieuses ont été menées. Sans succès pour l'instant. En attendant de nouvelles campagnes de prospection dont personne au niveau du ministère des Mines ne semble se préoccuper, ayant toujours préféré le pétrole et le gaz. D'autant que ce sont en général les étrangers qui trouvent ces hydrocarbures et reversent une partie des dollars engrangés au ministère et à Sonatrach qui n'ont pas grand-chose d'autre à faire à ce sujet que de compter les billets en vendant champs et concessions. Les diamants de Louisa La légèreté des affirmations de Louisa Hanoune est donc assez stupéfiante, d'autant que le sujet du diamant est un sujet très sensible, mettant en présence les puissances d'argent et les seigneurs de guerre, le GSPC étant présent dans la région. Reste la question liée au secret d'Etat. L'Algérie peut-elle avoir une mine de diamants, « la deuxième au monde », dont personne ne connaît l'existence à part quelques initiés ? Non, une structure d'une telle importance ne peut passer inaperçue et le fait de devoir utiliser des moyens humains et matériels locaux ne peut que concourir à la circulation de l'information. Quant à la base américaine, c'est une autre hypothèse du PT, régulièrement démentie par les hautes autorités algériennes. En tout état de cause, quand on connaît les guerres provoquées par le diamant en Afrique, parler de « la seconde mine de diamant en potentialités dans le monde » est dangereux. Louisa Hanoune, que personne ne peut pourtant accuser de vouloir fomenter des guerres pour le diamant, a certainement été mal informée et elle aurait tout à gagner à se renseigner un peu plus sur les gisements minéraux répertoriés en Algérie. Pourquoi ces affirmations erronées ? Campagne électorale ? On ne sait pas. A moins qu'elle n'ait vu le film Blood Diamond, récemment projeté au cinéma Algeria dans la capitale.