Opérateurs et analystes s'accordent à dire chaque fois que l'occasion leur est offerte de s'exprimer sur ce qu'on appelle faussement " la réforme bancaire ", que l'action des banques n'est pas satisfaisante et qu'elles ne participent pas à la croissance économique. Pour étayer leurs propos, ils invoquent l'existence anormale et antiéconomique d'un niveau aussi élevé (plus de 15 milliards de dollars) de ce que certains désignent par surliquidités et d'autres par excédents de liquidités dans un pays qui rêve d'investir là où il ne faut pas, ils mettent l'accent sur les longs délais de traitement des opérations par les banques et rappellent au passage le nombre de projets que celles-ci ne veulent pas financer pour des raisons obscures. Ce qui bien évidemment se déteint sur l'emploi, les revenus, la consommation et l'investissement. Vrai dilemme. De l'autre côté, les pouvoirs publics s'emploient à convaincre les acteurs de la scène économique que la " réforme bancaire " est engagée (pour preuve le projet de privatisation d'une grande banque publique, la modernisation des systèmes de paiement, l'amélioration de la gouvernance des banques…), elle progresse et elle suit son cours. En disant cela, ni les uns ni les autres n'ont explicité clairement ce qu'on entend par réforme bancaire ou modernisation bancaire. On n'est toujours pas fixé sur la signification de ces concepts. En tout cas, au niveau sémantique, ils n'ont pas le même sens. Combien de feuilles de route, d'axes de travail, de réflexions, de cogitations, de colloques, de séminaires, de journées d'informations, de réunions, de missions, de consultations avec le FMI, la Banque mondiale… ont été initiés ou se sont tenus sans que l'on parvienne à mettre tout le monde d'accord sur le contenu et le timing. Il y a problème à ce niveau. En partant de la situation actuelle, on observe que le paysage bancaire est diversifié. Il y a des banques publiques, des banques privées et des établissements financiers spécialisés. On observe aussi qu'il y a plus de banques privées que de banques publiques mais que les guichets des banques publiques sont plus nombreux que ceux des banques privées. Normal, diriez-vous parce que les banques privées viennent tout juste de s'installer et qu'elles se développent. Nous ne reviendrons pas sur les parts de marché des banques publiques et des banques privées parce que les statistiques disponibles ne permettent pas d'aller au fond des choses. Mais on est toujours dans la banque universelle et l'établissement financier. La distinction est toujours de mise et ce n'est pas faute à la loi bancaire. Les banques privées l'ont très bien compris et elles oeuvrent tout en restant universelles à introduire une segmentation par type de clientèles et par spécialités produits. Elles préparent la banque du troisième millénaire. Ce type de banque commence à s'implanter chez nous. L'établissement financier spécialisé est une création de la pratique, car pour ne faire que du crédit comme la loi l'impose, cela suppose un capital social supérieur à celui qui est exigé pour les banques. La banque de détail distribue le crédit à la consommation, le crédit automobile, le crédit immobilier, la gestion des placements et bientôt des assurances. Chacun de ces métiers requiert une spécialisation afin de réaliser des économies d'échelle et des effets d'expertise parce qu'au bout, se profile le problème des coûts et celui de la gestion du risque. C'est un peu la spécialisation industrielle. La banque de gros qui est un peu la caractéristique de nos banques publiques en raison de la taille critique, s'attaque à des segments plus variés où on trouve de tout. Ce qui évidemment nécessite un savoir-faire et des spécialistes. Et c'est ce qui a été occulté dans toutes les actions de modernisation si bien que la sous-traitance est devenue la règle pour des considérations faciles à comprendre. Et pourtant les compétences existent mais elles ne sont pas utilisées là où il faut encore moins utilisées tout court. Ce qui fait le bonheur des sous-traitants mais aussi des banques privées et autres institutions apparentées, c'est cette manne de cadres puisés dans les entités publiques qui une fois motivés et responsabilisés deviennent des supports de gains. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les banques n'ont pas d'actifs économiques et de stocks, elles ont pour seule richesse la ressource humaine qui est à la fois capital et actif. Elle conçoit, produit, suit et crée de la valeur ajoutée. C'est une lapalissade de dire que la rentabilité des banques est étroitement liée à la qualité de la ressource humaine. Aussi tant que la cartographie des ressources humaines n'est pas prise en charge dans toutes ses composantes (le bon choix des hommes sans sectarisme ni clanisme, rémunération, marginalisation, motivation, évaluation…). Toutes les actions qui seront initiées se heurteront à un mur et ce n'est pas le dernier texte de loi relatif aux interdictions qui réglera à lui tout seul le problème. Surtout s'il est manipulé par des esprits malintentionnés. Les banques publiques continuent d'être à longueur d'année les victimes de fraudes, de détournements, d'insécurité…. Et pour avoir bonne conscience, on impute cela à la faiblesse du contrôle. On n'a pas compris que ces faits et méfaits ont plus à avoir avec le management de la ressource humaine qu'avec le contrôle qui lui-même a besoin d'être revisité. Le coût est connu, il est inquiétant. Pourquoi les banques privées qui activent aujourd'hui sur la scène ne subissent pas de tels comportements ? La réponse n'est pas difficile à trouver. Finalement et pour emprunter un raccourci, on peut considérer que la réforme bancaire ou la modernisation des banques ne concernent que les banques publiques. Et pourtant, nos banques publiques font de la banque avec des banquiers depuis des décennies. Mais la banque a changé, car l'avenir est à la banque universelle à service différencié. Mais là, il faut de la bonne ressource humaine.