Pour des spécialistes, le changement fondamental en la matière s'avère l'amélioration de la gouvernance des banques. La faiblesse du financement de l'économie par les banques n'est pas due à la rareté de l'épargne. Au contraire, il y a depuis quelques années des surliquidités au niveau des banques avec, pour 2003, près de 1 000 milliards de DA, soit 19% du PIB ! Il y avait croissance des dépôts à raison de 30% annuellement. Malgré un ratio de solvabilité de 14% et de liquidité de 60%, les banques hésitent à financer les projets par crainte d'assèchement de leurs liquidités. En 2004, le processus de réforme bancaire a été lancé. Quatre années plus tard, les fruits attendus tardent encore à mûrir. Si tous les spécialistes admettent que la réforme avance, ils s'accordent en outre à propos de sa lenteur. Le point de vue de M. Benkhalfa, président de l'Abef, quoique mitigé, est optimiste malgré tout. Selon lui, “si on a avancé sur certaines actions, on ne l'a pas fait au rythme souhaité. Les banques fonctionnent selon le rythme réel de l'économie. Si la Banque centrale a dû accaparer pour l'heure la confection des chéquiers, c'est surtout pour en améliorer la qualité et l'inviolabilité. La qualité du papier destiné à la fabrication des chèques égalera celle du papier monnaie. La télécompensation sera améliorée au point où les chèques même dématérialisés pourront être transmis, sous forme cryptée, d'un bout à l'autre du pays, sur près de 1 000 points, contrôlés et payés en toute sécurité pour l'émetteur et le bénéficiaire, grâce à de nouveaux scanners disposant de performances importantes dans la précision. La Banque centrale travaille actuellement sur un nouveau règlement qui traitera des incidents de paiement. L'usager qui se tromperait trois fois de suite, après avoir été averti les deux premières fois, sera interdit de chéquier durant une période d'un an. Dans deux ou trois ans, la carte de paiement et de retrait sera disponible et vulgarisée, avec les terminaux de télépaiement. Les gros commerçants devront disposer de leur terminal de télépaiement, ce sera à la fois une question de standing social, et de performance dans la restauration, le commerce de distribution, etc. La carte de télépaiement va connaître le même engouement que le mobile. Dès l'année 2009 sera lancée une campagne de communication intense et tous azimuts, commerciale, institutionnelle, de banque, de proximité, dans la presse écrite et audiovisuelle, ainsi que sur la place, au niveau de l'Abef. Selon M. Gharnaout, expert financier, “jusqu'en 1986, les banques avaient pour unique rôle d'acheminer les ressources extérieures (hydrocarbures et emprunts), vers principalement, les entreprises publiques pour financer l'exploitation ou l'investissement. Avec la chute des prix de pétrole en 1986 et 1988, il a été nécessaire de mettre en place un nouveau schéma de fonctionnement. Le PIB ayant chuté de manière spectaculaire en 1986 et 1988, le Trésor ne disposait plus des ressources issues des hydrocarbures et les banques n'avaient plus d'argent. Le rôle des banques ne consistait pas à collecter l'épargne, mais à fournir du crédit au moindre coût. La loi sur la monnaie et le crédit (LMC) est venue mettre de l'ordre. Elle a libéré le taux de change, ce qui a provoqué une grande dévaluation du dinar tout en procurant d'énormes ressources au Trésor. La LMC a fixé au Trésor à 240 jours, les échéances aux remboursements des emprunts contractés auprès de la Banque centrale. Elle a fait obligation aux banques de répondre à des normes strictes (capital minimum, essentiellement) pour espérer obtenir leur agrément. 18 années après la naissance de la LMC, on s'aperçoit que l'état des lieux de la réforme est mitigé. L'aspect positif peut se résumer dans l'introduction de règles strictes dans l'exercice de l'intermédiation et dans les relations interbancaires, la télécompensation qui a fait des progrès, etc. Mais l'Algérie est toujours en retard dans le domaine élémentaire de l'utilisation courante du chèque. On continue à assainir les banques publiques à tout va, pratiquement chaque année, en évitant d'améliorer leur management qui laisse toujours à désirer. Si de nombreux agréments ont été accordés aux banques privées, le texte portant création de sociétés à capital investissement (capital risque) adopté en 2005, n'a toujours pas été mis en œuvre, malgré le texte d'application sorti en février 2008. Le coup d'arrêt donné au processus de privatisation du CPA, même s'il est compréhensible eu égard à la crise financière actuelle, prouve que la réforme financière a été mise en veilleuse. L'assainissement, voire la recapitalisation des entreprises publiques montre que l'Etat n'éprouve pas la moindre envie de changer quelque chose à un statu quo qui semble lui convenir. Les ressources financières servent à perfuser des entreprises moribondes, ce qui prouve qu'on revient aux méthodes des années 1970”. Selon M Abdelhak Lamiri, expert connu, “on s'est trompé de priorités jusqu'ici, en considérant que le problème est surtout d'ordre technique, c'est-à-dire qu'il s'agirait de rendre plus rapide l'usage du chèque, généraliser la carte bancaire, etc. Or le problème est plus profond que cela. En plus des mentalités qu'il faudrait réformer, l'aspect à traiter de toute urgence est celui du management, du choix des hommes, de l'organisation de la stratégie, etc. On accorde encore des crédits aux entreprises publiques déstructurées, tout en négligeant d'en accorder au développement des PME/PMI. Il serait temps de mettre de l'argent à la disposition des projets de création de PME, si l'on compte vraiment arriver à la création de 100 000 PME/an au lieu des 3 000 actuelles”. Pour le Dr Rachid Boudjemaâ, professeur à l'Institut de planification et de statistiques (INPFS), “le système bancaire a toujours été la béquille du système économique en Algérie. Il est impossible d'arriver à bâtir un système bancaire qui fasse une intermédiation financière et bancaire, si au préalable il n'existe pas de système économique dynamique. La réforme du système bancaire ne peut se résumer à l'aspect technologique. On apprend aux étudiants que la finance est la contrepartie d'une opération réelle. L'économie mondiale actuellement souffre d'avoir ignoré cet axiome”. Djamel Zidane