Toutes les musiques subissent à travers les temps des mélanges quelles que soient leurs origines. Parlant de la musique et du chant gnaouis, il indique qu'il y a eu, au départ, une migration des premières populations noires du Sud vers le Nord pour s'y installer. « Doit-on définir pour autant ces musiques qui ont envahi ces régions comme étant celles du Nord ? », s'est-il interrogé. Et de déplorer le peu de chercheurs qui travaillent sur terrain, en Algérie, pour exhumer et explorer ce patrimoine immatériel d'une richesse inouïe. « D'autres le font, malheureusement, à notre place », a-t-il ajouté. Et d'étayer son affirmation par l'exemple du patrimoine musical des Touareg qui fait actuellement l'objet d'une exploration de la part des chercheurs allemands. Pourquoi le patrimoine des Touareg attire-t-il tant les Occidentaux ? Ce choix est, selon lui, ciblé. Pour le chercheur algérien, il est indéniable que la pratique de la musique confrérique est à l'origine des musiques modernes à partir du moment où elles sont sorties de leur espace territorial dans lequel elles étaient confinées. De même, souligne-t-il, que les chanteurs ambulants du XIXe siècle sont à l'origine du rythme gnaoui qui a été par la suite popularisé. Toujours dans le registre de la musique du Sud, Hadj Miliani déplore le peu d'intérêt accordé au chant et à la musique nomades, un patrimoine en voie de disparition, note-t-il. Cet aspect rituel de la musique traditionnelle n'a pas été préservé et disparaîtra certainement pour laisser place à des styles musicaux qui vont fusionner et s'orienter vers une professionnalisation. Pour le chercheur Rabeh Sebaâ, directeur adjoint à la Bibliothèque nationale, le mot gnaoui est tellement perverti, galvaudé qu'il faut lui redonner un sens et le situer dans la symbolique de l'imaginaire maghrébin. Selon le chercheur, les premières traces situant l'origine du mot gnaoui remonteraient au cours de la période du XIIe siècle. Il cite le géographe El Idrissi qui a utilisé dans un de ses ouvrages « el guinaoua » pour désigner d'abord le parler du pays. Le mot serait à l'origine de Guinée et gnaoui ne serait qu'une déformation de Guinée. Au départ, affirme Rabeh Sebaâ, le rite gnaoui est citadin, intra muros, qui se pratiquait dans les enceintes des zaouïas. Le chercheur rejette, ensuite, l'idée erronée assez répandue dans les milieux populaires selon laquelle la confrérie gnaouie remonterait à Bilal, compagnon du Prophète (QSSSL) et qui serait le fondateur de cette confrérie. Les partisans de cette thèse veulent, dit-il, se réclamer d'une appartenance symbolique. Mais, ce que l'on constate aujourd'hui, affirment les deux chercheurs, c'est qu'il y a plusieurs altérations dans les pratiques musicales et leur contenu, qui n'ont rien à avoir avec le genre gnaoui. Il faut faire la distinction entre la notion de fusion, qui intègre les multiples apports musicaux dans le chant inexorable et enrichissante, et le mélange qui n'apporte rien de positif au chant gnaoui. Clôture en apothéose Le Festival de la musique gnaouie s'est achevé dans l'apothéose. Combien étaient-ils jeudi, dernière journée du Festival au stade Nasr ? Cinq mille ? Dix mille ? Difficile d'évaluer le nombre d'admirateurs et de supporters qui ont envahi le stade archi-comble pour assister au dernier concert de chant de Hasna Bacharira, leur idole préférée. Ils sont venus de toutes les cités et quartiers de la ville. Et ils ne seront pas déçus. La chanteuse, tant attendue, a galvanisé la foule avec sa première et célèbre chanson El Djaïr Jouhara, une foule composée à majorité de femmes et de jeunes. Trois chansons de Hasna ont suffi pour ébranler les gradins du stade où se mêlaient danses, sifflements et applaudissements nourris, à mesure de la tonalité des sons et de la cadence des refrains de la musique, jouée alternativement sur guitare électrique et guembri par l'artiste et son compagnon. Mais coup de théâtre, le spectacle a été arrêté pour cette dernière journée du Festival vers minuit plutôt que vers 2h comme d'habitude, une frustration inattendue pour ces familles et ces jeunes, mais toutefois tempérée par une note d'optimisme des organisateurs qui ont promis au public la réédition de la fête l'an prochain. Le 1er prix symbolique de participation a été décerné à la troupe de Sidi Blel Mascara, le 2e à la troupe Diwane d'Alger, et le 3e est revenu à Brahim, doyen de la troupe Diwane de Debdaba.