Du jazz mélangé à du gnawa, voilà une idée originale qui témoigne d'un vrai rapprochement culturel... Guitariste, percussionniste, compositeur et arrangeur, Pascal Ducourtioux est la tête pensante du projet musical Gnawa Jazz Experience. Une aventure humaine ainsi, regroupant des musiciens gnaoua d'Essaouira et de la Rochelle, visant à monter des pièces pour voix et percussions puisées dans le répertoire traditionnel du Maroc et du Sahara et travailler sur la relecture de pièces de Jimmy Hendrix notamment. Une heureuse union guidée sur le chemin de la transe et ses inclinaisons jazzy. Une surprenante expérience ayant suscité la curiosité du public lors du Jazz Festival de Tabarka. La nôtre aussi... L'Expression : Tout d'abord, pourquoi cette idée de mélanger le jazz au son gnaoua? Pascal Ducourtioux : Parce que j'ai toujours été attiré par l'Afrique noire notamment, celle du Nord et que comme j'ai eu des expériences précédentes avec des musiciens africains, des griots sénégalais et comme on m'a proposé cette expérience et je connaissais très bien le Maroc, j'ai eu envie de tenter cette expérience avec des musiciens gnaoua. Comment est né ce projet? C'est une commande de Radio France au départ qui m'a demandé au départ si cela m'intéressait de travailler sur de la musique gnaouie avec des musiciens gnaoua qui allaient venir dans la ville où j'habitais, c'est-à-dire à la Rochelle. En même temps, on m'a demandé si je pouvais rendre un hommage à Jimmy Hendrix, parce que les musiciens sont des gnaoua d'Essaouira et Essaouira est une ville où Hendrix a séjourné jadis durant 4 mois. Il y a eu donc tout ce mélange, ce rapport avec la musique gnaouie, le jazz, la pop de Jimmy Hendrix et moi. J'ai mélangé un peu tout ça, avec un grand bonheur en tout cas. Quelle est exactement l'approche musicale de votre groupe métissé, le Gnawa Jazz Experience? Je me suis mis à leur diapason en travaillant de façon très orale. Et ça, c'est bien, parce qu'on n'a pas l'habitude de travailler comme ça. Cette approche métissée nous permet de travailler de façon différente. Comme on n'écrit pas les choses, on est obligé de se mettre à leur portée, à ce niveau-là. C'est vrai que «l'exercice» est très intéressant pour nous. Ils jouent et chantent des choses, on doit tout apprendre, tout de suite transposer, enrichir, arranger et tout... tout se fait en temps réel. Après les Gnaoua d'Essaouira, vous avez récidivé le même type d'expérience avec le griot sénégalais, Ablaye M'baye. Vous restez dans le continent africain. Qu'est-ce qui vous attire en Afrique? Comme je suis batteur-percussionniste, compositeur mais surtout percussionniste, c'est vrai que ces pays-là, c'est le monde du rythme. Que ce soit chez les Gnaoua ou chez les musiciens d'Afrique noire, le rythme prédomine. C'est ce qui m'intéresse dans la musique autant que dans le jazz, c'est cette notion de tempo qui roule, qui continue, qui vous emmène à la fois vers la transe, s'agissant de la musique gnaoua ou vers la danse quand il s'agit de la musique africaine... Le rythme, lien et lieu commun entre le jazz et les musiques africaines? C'est sûr ! C'est l'Afrique, c'est le berceau de l'humanité. Et quand on a un bon rythme intérieur et extérieur, on se sent mieux...C'est vrai, quand on joue pendant deux heures et demie avec des musiciens africains, on en sort apaisé après le concert. Il y a quelque chose de paisible en nous. Des choses sont parties de nous et qu'on a données au public...Ça c'est bien. Il faut dire que les Gnaoua sont des gens qui viennent de la Guinée, du Niger. Ce sont des musiciens africains qui sont venus au Maroc mais qui ont gardé de vraies traditions africaines, aussi de l'Afrique noire. Que vous a apporté la musique gnaoua en terme d'enrichissement? C'est un enrichissement vraiment humain. Une véritable rencontre humaine avant d'être une rencontre musicale. Aussi, ces gens m'ont appris qu'on a le temps. Il faut donner le temps au temps. Nous, on court toujours, parfois, on ne sait pas après quoi. De là, les choses se font, toujours bien. Mais il faut prendre le temps de les faire. En même temps, on sent qu'on a eu un apprentissage différent. On n'a pas non plus besoin d'aller à l'école ni de savoir écrire les notes pour avoir quelque chose de magique en soi. Chacun a une vraie culture, une véritable identité. Et on cohabite très bien ensemble.