Le président de l'Autorité palestinienne Abou Amar Yasser Arafat est arrivé hier à Paris gravement malade pour se faire soigner à l'hôpital militaire de Clamart. Agé de 75 ans, le vieux dirigeant palestinien a quitté les territoires de Cisjordanie - où il vivait pratiquement assiégé depuis décembre 2001 dans un quartier général de la Mouqata'a à Ramallah - pour d'abord Amman par hélicoptère pour ensuite se rendre en France par avion mis à sa disposition par le président Jacques Chirac. Pour la première fois de l'histoire, le comité exécutif de l'Organisation de libération doit se réunir en principe aujourd'hui sans son président Yasser Arafat, dont l'hospitalisation à l'étranger risque de durer et l'état critique de sa santé ouvre vraisemblablement une période d'incertitudes autour de la direction palestinienne. Le vieux dirigeant fondateur du premier mouvement de résistance palestinien, le Fath, qu'il a créé en 1959 à Koweït avec Khallil Al Wazir Abou Jihad et Salah Khalaf, Abou Ayad, deux de ses compagnons aujourd'hui disparus. Il assure depuis 1969 la présidence du comité exécutif de l'OLP, en 1996, il est élu président de l'Autorité palestinienne et assume sans partage les fonctions de responsable des plus hautes instances, puisqu'il n'a jamais nommé ni de vice-président de l'Autorité ni de comité exécutif de l'OLP. A son départ, il a laissé derrière lui son Premier ministre Ahmed Qorei et son prédécesseur Mahmoud Abbas, aujourd'hui secrétaire général du comité exécutif. Ironie du sort, les deux hommes ont démissionné de leur fonction quelques semaines seulement après leur nomination en raison de divergences apparues avec le « raïs » Abou Amar. Ahmed Qorei n'a accepté de revenir sur sa décision que suite à de légères concessions faites par le président de l'Autorité, quelque peu affaibli sur le plan de la santé et touché politiquement après les manifestations des brigades armées palestiniennes proches du Fatah. Concessions qui ne signifiaient pas pour autant partage des prérogatives dans la gestion des affaires palestiniennes sur lesquelles il a gardé la haute main. En dépit de certaines voix qui se sont élevées depuis notamment 2001 et même avant pour contester son autorité, traité plusieurs fois par quelques opposants d'autocrate, Yasser Arafat reste toujours pour les Palestiniens, pour les Arabes en général, le symbole de la résistance contre Israël, de la lutte pour le retour sur les terres de Palestine d'une diaspora qui vit encore en exil dans les pays arabes et ailleurs à travers le monde. Son départ, forcé par la maladie, des territoires palestiniens, le second après celui de sa prime enfance, forcé pour rejoindre son père en Egypte en pleine seconde guerre mondiale et où allait commencer son engagement pour la libération de la Palestine. Peu après son départ de Ramallah, ceux qui sont restés, notamment Ahmed Qorei et Mahmoud Abbas, ont tenu à rappeler qu'il n'y aura aucun vide et que les institutions continueront à fonctionner normalement et que Yasser Arafat, même malade, maintiendrait le contact permanent avec les deux responsables qui auront à gérer les affaires courantes. Au plan international et d'abord au niveau de la région, on estime que le départ d'Arafat et éventuellement sa disparition pourraient avoir des conséquences sur l'avenir de la situation au Proche-Orient. Tandis qu'en Israël, on espère que le départ, qui a constitué l'alibi d'Ariel Sharon pour ne pas ouvrir de nouvelles négociations de paix avec les Palestiniens, relance les discussions entre les deux parties. Jusqu'au journal Haaretz qui estime que le nouveau plan de Sharon de retrait de la bande de Ghaza des troupes israéliennes et le démantèlement des colonies juives où vivent 8000 colons et l'hospitalisation d' Abou Amar pourront « initier une nouvelle ère de négociation » avec les Palestiniens. Dans les principales capitales occidentales, pour l'instant, on espère un prompt rétablissement et un retour rapide de Yasser Arafat à Ramallah, une condition obtenue de Tel-Aviv sous la pression de Paris, Londres et autres capitales européennes.