Le génie est-il inné ou acquis ? C'est la grande question que tente de résoudre la série Voyage au centre du cerveau de Petra Höfer et Freddie Röckenhaus diffusée sur Arte. Dans Les surdoués de la créativité, les réalisateurs évoquent tour à tour Newton, Einstein, Mozart ou Beethoven, pour avancer l'hypothèse que ces personnalités hors du commun étaient quasiment programmées pour exprimer le formidable potentiel de créativité que recelait leur cerveau. Einstein était resté un enfant malgré la révolution accomplie par ses théories scientifiques et il était dans la lignée de celui qui est considéré comme le plus grand d'entre les savants, Isaac Newton. Ce n'étaient pas des individus ordinaires en raison de la structuration et du volume de leur cerveau qui dans le cas d'Einstein était surdimensionné. Les théories désormais à l'œuvre tentent d'établir que des génies comme Beethoven, Mozart ou Einstein étaient vraisemblablement des autistes de haut niveau dont l'itinéraire peut s'expliquer par leur enfance. L'autisme a été identifié par le médecin d'origine autrichienne Léo Kanner (1894-1981) comme une psychose de l'enfant avant d'être classifiée comme une maladie pouvant avoir des formes diverses dont les séquences fortes étaient toujours déduites de la petite enfance. Dans la foulée de Léo Kanner, un autre savant, son compatriote, le pédiatre autrichien Hans Asperger (1906-1980), a fait avancer l'étude et la connaissance de l'autisme infantile dont il a décrit le syndrome comme lié à l'activité du cerveau. Asperger a souligné plus particulièrement l'inaptitude des sujets atteints du syndrome qui porte son nom à la socialisation sans que pour cela leurs aptitudes à la créativité soient affectées. Bien au contraire, la créativité est amplifiée chez des sujets atteints de cette psychose qui ne leur permet pas de percevoir les intentions d'autrui. Le don des mathématiques, de la composition musicale sont des qualités qui ne se suffiraient pas à elles-mêmes si elles ne faisaient que compenser une inadéquation à la vie sociale. Hans Asperger a eu des patients qu'il a suivis de l'enfance jusqu'à l'âge adulte, l'un d'entre eux étant devenu un brillant professeur d'astronomie. Cette créativité doit pour beaucoup à la complexité des éléments qui sont en interaction dans le cerveau humain. Paradoxalement, c'est la distension entre les liens des éléments du cerveau qui sont les accélérateurs de l'état de créativité. Dans la série de Petra Höfer et Freddie Röckenhaus on découvre le cas concret de Matt Savage qui a appris à jouer du piano en une nuit et qui devient un compositeur à six ans. Autre cas, celui de Stephen Wiltshire ce petit Anglais capable de redessiner la ville de Rome dans le moindre détail après l'avoir survolée pendant 45 minutes. Cette capacité phénoménale de mémorisation est l'une des caractéristiques du syndrome d'Asperger dont des génies tels que Mozart, Beethoven ou Einstein ont pu être atteints sur des variantes diverses. On sait que Mozart pouvait jouer une partition d'un autre compositeur en la reconstituant à la note près après une seule écoute. La question qui se pose est alors celle de savoir jusqu'à quel point il faut donner un sens restrictif à l'autisme lorsqu'il est désigné en tant que maladie. Dans Voyage au centre du cerveau le génie est décrit comme une sorte de progiciel contenant des bases de données antécédentes au cerveau humain qui les accueille. Devient-on Léonard de Vinci, Molière ou Alfred Hitchcock par la seule vertu de l'effort ? Cela s'applique au commun des mortels dont le cerveau est impulsé par la substance de la dopamine lorsque l'individu est confronté à une épreuve d'effort intellectuel. Le talent n'est pas induit forcément par l'apprentissage et la répétitivité. Si les sujets autistes se distinguent par l'inaptitude à percevoir les intentions d'autrui, c'est parce que leur logique comportementale est une transgression de la norme. En fait, ils se connaissent eux-mêmes par cette faculté prodigieuse de synthétiser des informations puisées au plus profond d'une mémoire jamais assoupie. Les cinéphiles du monde entier ne l'ignorent plus depuis l'inoubliable Rainman dans lequel Barry Levinson avait montré que l'autisme n'est pas une fatalité ou un malheur.