Le paradis du silicium est au 6e étage du centre nucléaire situé à Alger. Admiré, dorloté, adulé, ce corps simple, de couleur grisâtre argenté, est manipulé avec le doigté d'une fée et l'expérience d'une mère. Le silicium illumine les regards des chercheurs du 6e étage et quand on l'observe de plus près, avant tout découpage à l'usineuse, on peut voir se refléter en miroir les sourires de l'équipe du Dr Gabouze, directeur de recherche à l'Unité de développement du silicium. Récipiendaire du prix national de l'environnement, remis la semaine dernière par le ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement et du Tourisme, Chérif Rahmani, et par le chef du gouvernement, A. Belkhadem, le Dr Gabouze Nordine a vu récompensées des années de recherches, de travaux et de courage. Son succès : le silicium poreux. A quoi sert -il ? Quels en sont les usages et les avantages pour l'environnement ? C'est dans les couloirs, les dédales et les bureaux du sixième étage que se cache le secret du silicium poreux. La visite au centre nucléaire, bien que chaleureuse, n'en est pas moins surveillée et orientée. A la sortie de l'ascenseur, devant un couloir aux innombrables pièces calfeutrées, circule une odeur toute particulière. Pas celle de l'hôpital. Pas celle, non plus, d'un laboratoire. Et voir autant de chercheurs sur éprouvette ou microscope, on se dit que l'odeur provient des cerveaux qui mijotent dans leur bulle. Les locaux dans lesquels l'unité de l'équipe du Dr Gabouze travaille, ne sont pas loin d'être aussi modestes que l'écurie où Pasteur a trouvé son vaccin. Le matériel n'est pas neuf ni brillant la technologie moderne. Visiblement, ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Et ils ont réussi à faire beaucoup. Mieux, ils ont réussi à faire ce que les autres n'ont pas pensé à faire. Explication : le silicium sert à fabriquer des semi-conducteurs. Chimiquement, il s'oxyde au contact de l'oxygène et, donc, ne peut survivre durablement à l'air libre. Or, il est amené à être utilisé à l'extérieur. Les nombreuses recherches entreprises par les Américains et les Japonais visaient à l'enduire chimiquement pour lui donner une sorte d'imperméabilité. Cela n'a pas marché. Malgré une couverture chimique, le silicium n'était pas complètement recouvert et s'oxydait au contact de l'air. Est arrivé le Dr Gabouze, du 6e étage du centre nucléaire d'Alger avec son équipe. Une petite idée et des années de travail ont pu aboutir à la trouvaille suivante : il était possible de stabiliser le capteur de silicium non pas par un greffage chimique mais physique. Dit comme cela, ça paraît simple, mais les travaux ne se quantifient qu'en termes d'efforts et de courage que seule l'équipe du Dr Gabouze est capable de qualifier. Ainsi, les travaux consistèrent à déposer une couche hydrocarbonée par le plasma de méthane. Scientifiquement, il s'agissait d'étudier toutes les étapes de réalisation d'un capteur de gaz à base d'une nouvelle structure type hydrocarbone et silicium poreux. Schématiquement, le laboratoire de l'équipe se résume comme suit : 1 Le silicium est traité suivant une procédure chimique qui le prépare. 2 Il passe à l'usineuse qui découpe cette étrange sphère ronde de quelques millimètres d'épaisseur et de couleur argentée brillante. Il est découpé en petites sphères rondes ou carrés pas plus larges qu'un doigt. 3 Il est nettoyé chimiquement dans une paillasse, puis monté sur des électrodes. 4 Ensuite, il est traité dans une cellule électrochimique : c'est le procédé de porosification. Au microscope, il est possible de voir si elle est homogène et poreuse. Cela suffit à tout chambouler, car c'est le départ de beaucoup d'autres perspectives dans différents domaines. En effet, le capteur de silicium est appelé à être fixé sur des capteurs qui détecteront les gaz qui polluent l'atmosphère. « Le capteur de gaz est un élément donnant une information représentative de la concentration d'un composant chimique dans un mélange gazeux. Il peut également être investi dans la réalisation de nouvelles usines de traitement des eaux, aux fins d'éliminer les traces de pesticides et d'engrais chimiques des eaux collectées dans les nappes », précise le Dr Gabouze. Et de préciser que le procédé peut également servir en biologie et dans la recherche d'ADN. Ces résultats ont fait l'objet de deux brevets ainsi que la valorisation par plus d'une cinquantaine de publications et communications internationales dans des journaux et des revues scientifiques de renommée. Au 6e étage du centre nucléaire, loin de l'habillage moderne qui garnit les laboratoires de renommé, brille une drôle de lumière…celle de la réussite.