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Les « sept vies » des moustiques !
La dégradation prononcée de l'environnement menace l'écosystème
Publié dans El Watan le 20 - 06 - 2007

Manifestement, le marché des produits anti-insectes volants, notamment les moustiques, prend de l'ampleur, « boosté », il est vrai, par une politique hasardeuse en la matière.
Une politique défaillante, en particulier au niveau des nouvelles cités pourtant récentes, mais qui disposent de tous les « ingrédients nutritifs » favorisant le long séjour estival des moustiques dans nos villes. Assurément. Surtout quand ils deviennent résistants aux insecticides, un fait clairement démontré par des entomologistes constantinois, dont les études sont dédaignées par les pouvoirs publics. Vides sanitaires regorgeant d'eaux usées, végétation fournie, égouts à ciel ouvert, décharges sauvages et bidonvilles constituent, en effet, autant de facteurs générateurs de moustiques, ces insectes suceurs de sang, qui empoisonnent la vie de la population, essentiellement les locataires vivant dans des quartiers où le cadre de vie est déplorable. C'est au niveau de la plupart des logements OPGI, situés à la périphérie de la ville de Constantine, où les caves sont infestées de larves, que l'on enregistre justement un pourcentage important de Culex Pipiens, le moustique urbain qui cause le plus de désagréments à la population. Contrairement au centre-ville où le vieux bâti, datant de l'époque coloniale et dépourvu de caves, ne favorise guère une présence accrue de ces insectes. Dans la banlieue de Constantine, par contre, certaines cités sont carrément réputées pour la « férocité » de leurs moustiques. Parmi celles-ci, l'on citera, Boussouf, 20 Août, 5 Juillet, Sakiet Sidi Youcef, Ziadia, Daksi et El Gammas, lesquelles constituent toutes un milieu favorable au déploiement des moustiques qui envahissent les demeures par processions. Irrité par l'omniprésence des moustiques qui cohabitent quasiment 12 mois sur 12 avec les locataires, un habitant de la cité Boussouf, véritable « QG » des moustiques, dénonce ce qu'il qualifie de « défaillance » des services de l'assainissement de l'APC de Constantine qui « ne jouent pas leur rôle comme il se doit. La démoustication intervient toujours tardivement. A quoi servent les opérations de fumigation si les cités pullulent de moustiques, beaucoup trop nombreux pour être éradiqués par des interventions sporadiques. Les moustiques sont toujours là, avec ou sans traitement ».
Le « QG » et… les millions de la fumigation
Du côté de la direction de l'assainissement et de l'environnement de l'APC de Constantine, les responsables mettent, quant à eux, à l'index « l'incivisme des citoyens qui ne favorise pas une bonne efficacité de la lutte antimoustiques. Car si les locataires respectaient les horaires de ramassage des ordures et s'ils ne contribuaient pas à la dégradation de leur cadre de vie, les opérations de démoustication aboutiraient à de meilleurs résultats ». Cela dit, de l'avis du responsable de cette structure, M. Benguedouar : « Il est impossible d'éliminer complètement les moustiques, mais nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour réduire au maximum leur nombre. » Pour ce faire, les services concernés ont effectué entre le 15 janvier et le 10 avril 2007 la lutte antilarvaire par le biais d'un nettoyage des oueds et par un traitement des eaux. Cette première opération achevée, ils ont par la suite engagé, à partir du 14 avril 2007, les opérations de fumigation à travers tout le territoire de la commune. Des opérations exécutées par les 9 secteurs urbains de Constantine, dont chacun dispose d'un appareil Pulsfog servant à l'enfumage des quartiers avec des insecticides, une association de Malatox (ou Malathion) et de Finitox aéro, importés par Mobidal, une entreprise étatique agréée, nous dit-on, par la tutelle. Notre interlocuteur nous apprendra également que la fumigation réalisée avec ces appareils manuels est le résultat d'un mélange de 10% d'insecticide et de 90% de… mazout. Un assortiment de produits souvent mal supporté par les personnes allergiques à ce dernier composant, mais aussi par les asthmatiques. Aux dires de M. Benguedouar : « Les agents munis de ces appareils Pulsfog sillonnent chaque jour l'arrondissement qui leur est attribué, parallèlement à 3 autres appareils grand modèle transportés par des camions. Ces appareils appartiennent à la direction de l'assainissement. Ils ciblent 2 fois par semaine les artères principales de chaque arrondissement. » Et au fil des virées des Pulsfog que les citoyens qualifient d'« irrégulières », la facture de la démoustication s'alourdit chaque jour davantage jusqu'à l'achèvement de l'opération.
Un marché florissant
Autrement dit jusqu'à la fin du mois de septembre, voire octobre, d'autant que le traitement de la seule commune de Constantine s'élève, nous dit-on, à 9000 DA/jour. Au total, c'est environ 1 million de dinars qui s'envolent, ces dernières années, en fumigations entre les mois d'avril et septembre ! Conjointement à ces mois de lutte vaine et coûteuse, menée en partie avec l'argent du contribuable, les citoyens auront, en sus de cette regrettable facture, renfloué les tiroirs-caisses des vendeurs de produits antimoustiques, de fabrication algérienne ou d'outre-mer, sans pour autant avoir réussi à se débarrasser de ces insectes, au demeurant, très « collants ». En effet, au cours de la saison chaude, tous les moyens sont bons pour tenter de réfréner cette invasion en recourant à l'usage des pastilles, des insecticides ou en recouvrant certaines issues (fenêtres, balcons...) de moustiquaires, faisant ainsi le bonheur des commerçants. Quasi saisonnier, le commerce des pastilles et des insecticides atteint, en effet, son paroxysme durant l'été où ces produits d'appoint permettent aux ménages de « chasser », durant quelques heures, ces diptères. Sans plus. Parfois, certains de ces produits peuvent constituer un facteur de risque pour la santé, en occasionnant des crises d'asthme, notamment aux personnes prédisposées, de surcroît quand ils sont contrefaits. Un fait patent, que certains professionnels, ayant investi dans le créneau de la démoustication, tentent de combattre. Pionnier dans le domaine de la démoustication et de la production de pastilles antimoustiques, le groupe SPI-Sophia, dont le siège social est situé à la zone industrielle de Benbadis (ex-El Haria), tire cette année encore la sonnette d'alarme au sujet du fléau de la contrefaçon en publiant dans la presse des avis aux revendeurs. Ayant découvert auparavant l'existence sur le marché de fausses pastilles SPI Mat, les responsables de l'entreprise privilégient à présent la voie de la prévention et de la sensibilisation afin de décourager d'éventuels faussaires en saisissant, à cet effet, la brigade économique de la gendarmerie ainsi que la justice. Ils ont également saisi les services de la DCP, dont les recherches menées dans les magasins par les agents habilités, qui procèdent à la vérification de l'étiquetage et de la conformité du produit suivant les textes qui le régissent, n'ont pas encore abouti à des articles contrefaits. Cela étant, outre cette campagne d'information, le groupe SPI-Sophia, créé en 1988, compte également sur la vigilance d'une dizaine d'inspecteurs commerciaux, recrutés pour inspecter le marché national, à la recherche de fausses pastilles. « En tout, nous avons découvert 5 ou 6 détaillants qui revendaient des pastilles contrefaites ces dernières années engendrant à l'entreprise un préjudice difficile à quantifier », nous affirme son gérant, M. Yaâlaoui. Pour ce dernier : « Le préjudice généré par la contrefaçon est plus important que l'argent. Il est aussi moral, car les contrefacteurs détruisent notre réputation et notre image de marque. Ils proposent aux citoyens des pastilles parfumées et colorées, mais dénuées de matière active. » Aussi, pour prévenir l'imitation frauduleuse, cet opérateur économique a également décidé de ne pas augmenter le prix de ses pastilles depuis environ 10 ans « afin de maintenir et le marché et le client ». Une manière aussi de faire face à la concurrence, surtout que le marché des produits antimoustiques est assez juteux pour leurs fabricants comme pour les revendeurs. Or, l'on remarque ces dernières années que son expansion tout comme la multiplicité des produits proposés connaissent la même courbe ascendante que la prolifération des moustiques. Les insecticides seraient-ils inefficaces ? La stratégie nationale de lutte serait-elle inopérante ? Sinon comment expliquer le « boom » des moustiques, de plus en plus nombreux à envahir nos cités, à Constantine comme ailleurs.
Les moustiques font de la résistance
Des études sur la biodiversité ainsi que des études écologiques, menées par des entomologistes du département des sciences de la nature et de la vie de l'université Mentouri de Constantine, ont relevé l'existence de 67 espèces de moustiques en Afrique méditerranéenne et de 46 espèces en Algérie, dont certaines peuvent être dangereuses pour la santé, car elles sont vectrices de maladies. Parmi ces espèces, l'on citera le Culex Pipiens, le moustique urbain le plus redoutable puisqu'il constitue une source de nuisance pour la population. Selon le Dr Berchi, directrice du laboratoire national de biosystématique et écologie des Arthropodes de l'université de Constantine : « Pour que la lutte antimoustiques soit efficiente, il faut s'attaquer à la source, autrement dit aux larves, en vidangeant les vides sanitaires, car leur développement s'effectue dans l'eau, en utilisant des produits nouveaux et en procédant à des tests de sensibilité afin de déterminer la dose létale du produit. » A cet effet, l'on apprendra que « des tests de sensibilité réalisés en laboratoire, en 2000 et en 2003, ont mis en évidence une résistance des larves de moustiques au Malatox de 10 à 12 fois par rapport à la souche de référence. Mais ces études sont restées au placard ». Ces résultats ont été, en outre, confortés par des recherches conjointement menées par le Dr Berchi et le Pr Louadi, également entomologiste au laboratoire de biosystématique et écologie des Arthropodes. En effet, selon une étude publiée cette année dans le bulletin de la Société entomologique de France, ces chercheurs universitaires ont pu démontrer qu'« en réponse à des molécules toxiques (celles du Malathion, ndlr), les populations de moustiques présentent des résistances qui sont génétiquement déterminées ». Au demeurant, les moustiques adultes combattus présentement à coups de Malatox et de Finitox aéro pourraient donc avoir développé une résistance à ces produits —connus pour être « peu onéreux » — d'où le pullulement de ces diptères dans nos villes. Interrogé à ce sujet, le directeur de l'assainissement et de l'environnement de l'APC de Constantine a confirmé cette « résistance », arguant, à ce titre, la possibilité de recourir à d'autres produits disponibles, selon lui, au niveau de l'entreprise Mobidal ou dans le secteur privé. Mais sachant l'inefficacité, scientifiquement prouvée, du Malatox, pour quelle raison ce dernier est-il encore employé A cet effet, le Pr Louadi a insisté sur la « nécessité d'associer l'entomologiste dans la lutte contre les moustiques, puisque ce dernier connaît le cycle de développement de ces diptères et connaît également le moment propice pour agir. Mais pour cela, il faut préalablement procéder à des études et à des prélèvements ». Il a aussi déploré le fait que les services d'hygiène « ne fassent pas appel aux entomologistes bien que nous ayons déjà proposé de collaborer avec eux dans la lutte antimoustiques ». Appuyant les propos de son collègue, la directrice du laboratoire de biosystématique et écologie des Arthropodes, agréé par la tutelle, a exprimé, quant à elle, ses craintes de voir un jour l'émergence de nouvelles espèces de moustiques, surtout que « tout peut évoluer à cause du réchauffement climatique ». En somme, force est de constater aujourd'hui que la politique antilarvaire en Algérie est une faillite… renouvelable chaque année et, partant, on voit mal comment on peut se « priver » de sitôt d'un compagnon estival… qui tient tant à nous ! Du boulot pour le département Rahmani, si ce dernier veut séduire les touristes et leur assurer des séjours sans piqûres.


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