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L'Etat face aux kidnappings d'enfants
La mort du petit Yacine met l'accent sur l'inefficacité des recherches
Publié dans El Watan le 21 - 06 - 2007

Le pire est finalement arrivé. L'espoir de retrouver vivant le petit Yacine Bouchelouh, âgé de 4 ans, disparu depuis le 2 mai 2007, s'est éteint mardi, lorsque l'odeur de son corps pétrifié a été sentie par un chien renifleur mis à sa recherche, le jour même par son propriétaire, un bienfaiteur. C'est le choc pour toute la famille et les personnes qui ont suivi cette affaire depuis plus de six semaines.
De lourdes interrogations pèsent sur les circonstances de cette tragédie et surtout les maigres moyens mis pour retrouver le petit Yacine. Comment peut-on croire qu'il a suffi qu'un ami de la famille Bouchelouh, un élu de l'APC de Oued Koreich, fasse appel à un ancien agent de la Protection civile, Boumalit Abderrahmane, dresseur de chiens renifleurs, et qu'en l'espace de 4 heures seulement, le corps de Yacine est repéré ? Pourquoi les policiers n'ont-ils pas utilisé les chiens renifleurs dès les premières heures qui ont suivi la disparition pour donner plus de chance à la famille de retrouver son enfant vivant ? Yacine semble bel et bien avoir été enlevé, ou du moins pris de force pour être emmené vers ce lieu, distant de quelque 300 m à vol d'oiseau de la cité des 224 Logements de Bordj El Kiffan. Il ne pouvait, vu son âge, traverser la route et un champ de roseaux, escalader un mur de 50 cm, pour se retrouver devant un puits dont la muraille est haute de presque un mètre. Yacine a été conduit vers cet endroit. Pif, le chien renifleur, a senti l'odeur du petit non seulement aux alentours du puits, mais également dans cette baraque en parpaing abandonnée, où les policiers ont trouvé plein d'indices qui montrent qu'elle sert de lieu de débauche : un lit de camp, des cannettes de bière, des bouteilles de vin, des préservatifs utilisés, des joints de kif, un marteau et un bâton. Bref, un gîte pour toxicomanes et pervers. Pif, dressé sur la méthode dite de la piste froide (c'est-à-dire l'odeur d'un corps dont la disparition remonte à plusieurs jours) a fait le travail qu'auraient dû faire les policiers, si les moyens avaient été mis à leur disposition. L'existence de ce puits et de cette baraque, bien enfouis dans un champ de roseaux, n'était connue que des agriculteurs du domaine Ouazna. N'ont-ils pas entendu cet enfant crier ou se débattre au moment où il était conduit de force vers ce lieu, désormais maudit ? Autant de questions auxquelles il faudra des réponses convaincantes. En attendant la conclusion des médecins légistes du CHU de Bab El Oued où l'autopsie a été effectuée, la thèse de l'assassinat se faufile de plus en plus. Il est très difficile, eu égard à l'état de décomposition très avancé du corps, de déterminer les causes exactes de la mort, mais il est certain, vu les indices trouvés sur les lieux, que Yacine a fait l'objet d'un horrible crime. Cette tragédie douloureuse a jeté l'effroi au sein de la population et renforcé l'inquiétude et la peur. Le nom de Yacine Bouchelouh pourra désormais allonger la liste des 41 enfants kidnappés durant les quatre premiers mois de cette année. Les chiffres de la police illustrent une situation des plus alarmantes. Parmi ces 41 enfants, victimes d'enlèvements, 5 (3 filles et 2 garçons) ont été tués par leurs ravisseurs. Les enlèvements ont tendance à augmenter chaque année, puisqu'en 2006, 108 enfants ont été kidnappés, dont 74 filles et 34 garçons. Durant la même période, 18 enfants ont été tués à la suite de leur rapt, dont 12 garçons et 6 filles. Les spécialistes indiquent que les enfants victimes de rapts ne sont pas enlevés pour être tués. Ce sont les circonstances, notamment la pression médiatique, qui poussent les ravisseurs à mettre fin à leur vie pour s'en débarrasser. Ils expliquent que « souvent, le passage à l'acte est commis dans un délai très court et le motif est souvent l'agression sexuelle ». Une thèse très probable pour le cas de Yacine. En l'absence de lois répressives et de moyens de lutte adéquats, la pédophilie évolue d'une manière fulgurante dans notre pays. Ainsi, durant les quatre premiers mois de l'année en cours, 653 enfants ont subi des violences sexuelles, dont 358 filles et 205 garçons. Un chiffre en hausse par rapport à celui de l'année écoulée. La police a enregistré, en 2006, 1474 cas d'abus sexuels sur enfants, dont 799 victimes sont des filles et 675 des garçons. Les auteurs de ces violences sont dans la majorité des cas une connaissance des victimes et leurs actes évoluent chaque année vers la perversion la plus répugnante. Face à ce constat, l'Etat reste impuissant. L'opinion publique est scandalisée par la manière dont a été prise en charge l'affaire du petit Yacine. Tout le monde est convaincu que ce dernier aurait pu être retrouvé si des mécanismes plus efficaces avaient été mis en place dès les quelques heures qui ont suivi sa disparition. Il est temps que les pouvoirs publics prennent conscience que ce sont des millions d'enfants qui sont aujourd'hui des otages présumés de pervers en tout genre. Des mesures draconiennes doivent être prises pour éviter que d'autres Yacine soient la proie de psychopathes, de bandits et de criminels. Il n'est plus question de rester passif devant ces multiples violences faites quotidiennement à nos enfants. Quelles soient physiques, morales ou juridiques, ces atteintes, si elles ne sont pas prises en compte, vont avoir des répercussions sur l'avenir du pays. La loi sur la protection de l'enfance doit sortir des tiroirs des décideurs, pour engager rapidement des mécanismes et une législation à même de mettre à l'abri cette frange vulnérable et fragile de la société.

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