Les partenaires de Sonatrach dans le projet du gazoduc Medgaz ont décidé jeudi dernier d'introduire un recours auprès de la Commission nationale de l'énergie espagnole contre les mesures discriminatoires prises par les autorités espagnoles contre la compagnie nationale des hydrocarbures. Cette décision, qui conforte la position de Sonatrach à qui la CNE a refusé de vendre directement plus d'un milliard de mètres cubes de gaz sur le marché espagnol, est soutenue par trois importantes compagnies espagnoles partenaires de Sonatrach, en l'occurrence Cepsa, Iberdrola et Endesa, qui détiennent respectivement 20% chacune pour les deux premières et 12% pour la troisième, aux côtés de la compagnie française Gaz de France. Ce recours vient renforcer celui introduit déjà par Sonatrach le 8 juin et dont le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, avait révélé le contenu le lendemain, le 9 juin, en déclarant à Alger que « Sonatrach a envoyé un recours vendredi dernier à cette même CNE pour que celle-ci avalise les 10% des actions héritées par l'entreprise, après le retrait de BP et Total du projet ». L'annonce de la décision d'un recours par les actionnaires de la société Medgaz a été rendue publique jeudi dernier. A l'occasion de la tenue d'une assemblée générale des actionnaires de la compagnie Cepsa, qui détient 20% dans le projet Medgaz, l'administrateur délégué de la compagnie, Dominique de Riberolles, a annoncé à la presse que la société Medgaz présentera un recours auprès du ministère espagnol de l'Industrie contre les conditions imposées par la commission nationale espagnole de l'énergie à l'augmentation de la part de Sonatrach dans sa participation dans Medgaz de 26% à 36%. Pour le responsable de Cepsa, ces conditions empêchent le fonctionnement normal de la société Medgaz. La décision du recours a été prise jeudi matin lors de la réunion du conseil d'administration de la société Medgaz. Les conditions imposées par la CNE ne touchent pas uniquement Sonatrach, mais elles ont une influence sur le projet du gazoduc, a estimé le responsable de Cepsa. Pour le président de Cepsa, Carlos Perez de Bricio, l'un des initiateurs du projet durant l'année 2000, les conditions imposées par la CNE sont excessives et la position défendue par Sonatrach est logique. Très optimiste, il a estimé que la décision de la CNE sera révisée avec la révision des malentendus. Le lendemain, vendredi, la société Medgaz a annoncé avoir présenté un recours contre certaines conditions considérées comme excessives et qui affectent le fonctionnement normal du consortium Medgaz. Il faut rappeler que les conditions imposées par la CNE espagnole sont au nombre du huit et dans leur contenu, les autorités espagnoles s'octroient par exemple un droit de regard direct sur la société Medgaz et sur la gestion par Sonatrach de son investissement dans le projet. Si Sonatrach a pu obtenir l'augmentation de son actionnariat de 26 à 36% après le retrait de Total et de BP, elle s'est vu limiter à un milliard de mètres cubes la quantité qu'elle pourrait commercialiser directement sur le marché espagnol avec l'obligation de remplir le gazoduc à au moins 80% de ses capacités sans tenir compte de ses capacités d'offre. Le 25 mai dernier et dans un communiqué publié à l'issue d'un Conseil des ministres, le gouvernement espagnol rendait publique sa décision d'octroyer l'autorisation à l'exercice par Sonatrach des droits de vote correspondant à sa participation additionnelle de 16% avec huit conditions. Parmi les conditions imposées à Sonatrach figurent l'obligation d'effectuer toutes les démarches nécessaires pour réaliser le projet Medgaz et son entrée en service en accord avec ce qui est prévu dans le document de planification des secteurs du gaz et de l'électricité et les révisions y afférentes. Des conditions discriminatoires Sonatrach doit aussi optimiser l'utilisation de la capacité de transport à laquelle elle s'est engagée dans le gazoduc Medgaz une fois celui-ci mis en service. Le gouvernement espagnol exige aussi de Sonatrach de ne pas s'opposer aux propositions de plans économiquement viables d'extension du gazoduc au-dessus de 8 milliards de m3/an, en ligne avec ce qui est établi dans l'article 11 de l'accord souscrit par les actionnaires en date du 21 décembre 2006. La validité de l'autorisation est également assujettie au maintien des statuts sociaux en vigueur et à l'accord des actionnaires. Sonatrach a été aussi mise dans l'obligation d'informer périodiquement le secrétariat général de l'énergie de sa participation au niveau de l'actionnariat, de sa présence dans les organes d'administration de Medgaz et des possibles variations dans les statuts sociaux et dans l'accord des actionnaires de 2006. En analysant ces conditions, tout observateur averti pouvait facilement conclure que le projet du gazoduc était mort-né. Puisqu'on voit mal une entreprise investir 36% des 900 millions de dollars (le coût du projet) avec comme seule autorisation de ne commercialiser directement sur le marché espagnol qu'un milliard de mètres cubes sur les huit de départ. De plus, on voit mal et à cause d'un projet du gazoduc, qui n'est pas vital pour Sonatrach dans sa stratégie à l'international, une compagnie d'Etat accepter qu'un gouvernement étranger lui dicte une politique de gestion de ses réserves ou orienter son plan de développement en matière de production avec à la clé l'interdiction de commercialiser plus d'un milliard de mètres cubes de gaz par an sur le marché de ce même gouvernement. Au moment où ce même gouvernement délivre des autorisations à d'autres compagnies sans restriction. La dernière en date a été octroyée à Gaz de France. Ce sont près de 40 compagnies qui évoluent sur le marché espagnol et Sonatrach serait la seule à qui des conditions ont été imposées. C'est ce qui explique que le ministre de l'Energie et des Mines ne s'est pas gêné pour déclarer, qu'avec ces conditions imposées, la Sonatrach allait liquéfier son gaz et le vendre sur d'autres marchés surtout que la demande pour le GNL algérien est de plus en plus importante. Les partenaires de Sonatrach dans le projet, qui ont vu le danger des conditions des autorités espagnoles pour l'avenir du gazoduc, ont vite réagi et c'est peut-être tant mieux pour tout le monde si le projet en gestation depuis l'année 2000 aboutit. En plus de Sonatrach, qui détient 36% dans Medgaz, les autres actionnaires sont les trois compagnies espagnoles Cepsa (20%), Iberdrola (20%), Endesa (12% ) et Gaz de France (12%). Le problème vécu par Sonatrach en Europe sur le marché espagnol est particulier puisqu'elle a obtenu de commercialiser 2 milliards de mètres cubes de gaz par an sur le marché italien par le premier gazoduc Enrico Mattei et des négociations sont menées pour une autre quantité à travers le Galsi. En Grande-Bretagne, Sonatrach a déjà obtenu l'autorisation de commercialiser 5 milliards de mètres cubes par an sans condition.