La chambre d'accusation près la cour d'Alger examinera aujourd'hui l'affaire liée au scandale qui a causé à la Banque nationale d'Algérie (BNA) un préjudice financier évalué à 32 milliards de dinars. Après une bataille judiciaire qui a duré dix mois, Achour Abderrahmane a été extradé du Maroc, en octobre 2006, avec trois autres coaccusés (et un quatrième bien après), où il s'est réfugié dès l'éclatement du scandale. Lors de la première audience devant la chambre d'accusation, celle-ci a demandé une instruction complémentaire. L'arrêt du doyen des juges, près le tribunal de Sidi M'hamed, ne semblait pas répondre au souci de la quête de la vérité. De l'avis de nombreux avocats constitués dans le dossier, tous sont d'accord pour dire que ce rapport soulève des interrogations du fait qu'il n'a pas pu lever le voile sur ce scandale, qui a éclaté en octobre 2005, à la suite d'une lettre anonyme adressée aux hautes autorités du pays. Une trentaine de personnes ont été inculpées, durant la première instruction, dont le compteur a été remis à zéro, après l'extradition du Maroc de Baghdad Settouf, un des beaux-frères et associé de Achour Abderrahmane. En plus de Achour Abderrahmane, ses associés, sa secrétaire et son épouse ont été également inculpés les responsables des agences BNA de Bouzaréah, de Zighout Youcef, de Cherchell, de Koléa, ainsi que l'ex-PDG de la BNA, son inspecteur général, le directeur régional et celui du réseau exploitation, deux commissaires aux comptes, deux experts comptables, le directeur du service informatique pour, entre autres, association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, faux en écriture bancaire, escroquerie et chèques sans provision. Parmi les inculpés, 15 ont été placés sous mandat de dépôt dont les responsables des agences, deux sont concernés par des mandats d'arrêt, dont un international à l'encontre de l'ex-directeur de l'agence BNA de Bouzaréah, qui a pris refuge en Grande-Bretagne. De nombreux avocats ont reconnu que le premier arrêt du juge d'instruction avait soulevé de nombreuses interrogations. Le magistrat n'aurait pas interrogé le principal accusé, Achour Abderrahmane, sur les complicités dont il aurait bénéficié au sein de la police pour prendre la fuite en dépit du lancement à son encontre d'un mandat d'arrêt international. Le juge s'est limité aux traites et chèques de cavalerie, sans s'intéresser aux opérations de crédits ou à la destination des fonds pris des comptes de la banque durant les années 1999-2005, période où Achour Abderrahmane a érigé sa fortune. A titre d'exemple, lors de sa première audition par le juge, sur procès-verbal, Guebli Mohamed, un des associés de Achour Abderrahmane, affirme être porteur de parts dans la société ECA (comptoir africain d'emballage au centre du scandale), au même titre que Achour Abderrahmane et Settouf Toufik, qu'il a par la suite vendues à ce dernier, le 28 juin 1999. Il explique qu'il s'agit de 165 parts, d'une valeur de 1,6 milliard de dinars, cédées auprès du notaire Boughernout Ali. Or dans les procès-verbaux d'audition en tant que témoin, Settouf Toufik nie toute participation financière dans les sociétés de Achour Abderrahmane, omettant de révéler être poursuivi avec Achour dans l'affaire du foncier agricole à Koléa. En 2005, Achour décide de changer le statut de ECA. Celle-ci devient complexe d'emballage africain (ECA), et le nom de l'actionnaire, Settouf Toufik, a été retiré. Mais Settouf Toufik revient sur ses propos lors de la deuxième audition en affirmant que la société lui appartient, mais il n'a fait que louer le siège auprès de Achour Abderrahmane et de Djamel Settouf (son frère). Dans le rapport de l'instruction, il déclare avoir acheté les équipements pour un montant de 270 millions de dinars dans le cadre de l'APSI, au nom de son frère Djamel. Aucune question sur l'origine des fonds de cette société n'a été posée par le juge. L'épouse de Achour Abderrahmane, Settouf Djamila, inculpée, déclare devant le juge que ses biens proviennent de la vente d'un magasin qu'elle possédait à Bou Ismaïl. Elle affirme avoir signé une procuration pour le chauffeur de Achour Abderrahmane, alors qu'elle était au Maroc, lui permettant de le louer. L'acte de location a été établi par le notaire Boughernout, alors que la procuration n'est pas légalisée par les services du consulat d'Algérie au Maroc. Ce que le notaire confirme. Settouf Djamila, dans sa deuxième déclaration, affirme avoir vendu le même magasin par le biais du notaire, au moment où elle était à l'étranger. Le même notaire établit les actes de la société Transport Bleu, impliquée dans les opérations de traites creuses et croisées, appartenant à Achour Abderrahmane, son épouse Settouf Djamila et Aïnouche Rabah et son épouse Malika Laouati. Mais les deux épouses ont précisé au juge qu'elles n'ont pas signé ces actes. Autant d'anomalies qui laissent croire que ce scandale n'est pas près de livrer ses secrets...