Jean-Philippe Ould Aoudia, fils de Salah, l'un des six inspecteurs de l'éducation nationale assassinés le 15 mars 1962, et Jean-François Gavoury, fils d'un commissaire de police chargé de la lutte contre le terrorisme de l'OAS, assassiné en 1961, ont pris leur bâton de pèlerin pour dénoncer la renaissance des nostalgiques de l'Armée secrète de sinistre mémoire. En conférence à Grenoble, ils ont présenté leur ouvrage commun la Bataille de Marignane. Depuis 1962, « la violence de l'Oas n'a pas disparu, elle a été recyclée dans la politique », estime le docteur Ould Aoudia, cherchant peu à peu une « réhabilitation » au grand jour, ce qui a particulièrement bien été amené par la contestée loi de 2005 sur les « bienfaits de la colonisation ». Comment ne pas mettre en parallèle ce feu vert donné par le législateur français et l'érection d'une douzaine de lieux qui « honorent » les assassins de l'organisation terroriste de l'Algérie française : Antilbes, Béziers, Blotzheim, Carqueiranne, Fos-sur-Mer, Toulon, Hyères, etc, ou encore Marignane et Perpignan. Ce sont ces deux imposantes stèles qui ont suscité une levée de boucliers d'associations, parmi lesquelles l'Association pour la protection de la mémoire des victimes de l'OAS (Anpromevo), créée en 2006, présidée par J.-F. Gavoury. L'affaire Marignane est toujours en justice. En première instance, l'association a échoué, car présidée par un ayant droit (Gavoury, fis d'une victime). Quant à Perpignan, les agissements de l'ex-Oas engendrent la colère des manifestants, la dernière en date le 7 juin dernier. « Jamais aucune institution de l'Etat ne s'est préoccupée des plus de 2000 victimes de l'OAS », ont estimé des intervenants. Cela a laissé vierge le terrain pour les résurgents de l'OAS, organisés depuis… 1966, sous le faux nez de l'Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française (Adimad). Au point de demander au pouvoir politique français la qualification de « morts pour la France » à leurs victimes, dont celles des manifestations qu'ils avaient instrumentalisées, à Alger, à la fin du 26 mars 1962. C'est parce qu'on cultive l'amnésie en France que de telles situations surviennent, a indiqué J-P.Ould Aoudia : « Oui, la France est le seul pays avec le Japon qui refuse de reconnaître le passé colonial dans sa réalité. ». Pour remédier à cela, une des mesures pour laquelle milite l'Anpromevo est la création d'une stèle en hommage aux victimes de l'OAS. 45 ans après l'indépendance, ce simple geste commémoratif paraît difficile : « A Paris, un adjoint aux anciens combattants, conseiller du maire pour la mémoire, nous a dit oui, mais on agira par défaut. Saisissez l'Etat, s'il ne fait rien, on fera », raconte J-P Ould Aoudia, conforté par J-F Gavoury : « La conséquence : on est dans un discours confondant de duplicité, des uns et des autres de gauche comme de droite. » Pourtant, estiment-ils, « on ne peut pas laisser le temps au temps. Du côté de l'OAS, nous avons vu des jeunes dans les manifestations. Les anciens partent, mais leurs monuments leur survivent. ». Bien triste revers de l'histoire qu'il est temps de prendre au sérieux.