Tripoli a réussi là où Paris a échoué. Faire réunir toutes les parties concernées par la crise du Darfour. Absents fin juin de la capitale française de la réunion dite du groupe de contact, le Soudan, l'Union africaine et les rebelles du Darfour sont présents en Libye. En tout, les représentants de 18 pays participent, depuis hier, à une conférence internationale sur la paix au Darfour, province de l'Ouest soudanais aux prises à ce qui ressemble à une guerre civile depuis 2003. Pays voisin de cette région, la Libye joue un rôle de premier ordre dans les différents processus qui concernent le Soudan. En février 2006, elle avait réussi à arracher un accord entre le Soudan et le Tchad qui devaient « se garder de toute ingérence dans leurs affaires intérieures respectives ». N'Djamena et Khartoum s'accusent mutuellement d'alimenter le conflit au Darfour puisque les rebelles se déplacent entre les frontières communes. Pour bon nombre d'observateurs, une partie de la solution de la crise du Darfour se trouve au Tchad, un pays où sont stationnées des troupes françaises et qui subit fortement la pression de Paris. En quête d'un rôle diplomatique d'avant-garde, la France a contourné l'Union africaine et organisé une conférence à Paris sur le Darfour qui n'a abouti à rien du tout, sauf à intensifier les pressions internationales sur le Soudan en oubliant les milices armées. Des milices qui trouvent facilement des armes dans des pays comme le Tchad, l'Eyrthrée et... la Libye. Des représentants du Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), une des principales milices du Darfour dirigée par Khalil Ibrahim (réputé proche du président tchadien Driss Deby), sont présents à Tripoli. Selon l'envoyé spécial de l'ONU, Jan Eliasson, présent à Tripoli, les factions armées, au nombre de 14 actuellement, doivent unifier leurs rangs pour négocier la paix. Tel est le casse-tête pour les responsables soudanais qui se disent favorables à ouvrir des négociations sur la paix à condition que toutes les milices parlent d'une seule voix. Le Suédois Jan Eliasson a rencontré cinq factions du Darfour, qui ont annoncé avoir formé le Front uni pour la libération et le développement (UFLD). Par le passé, un accord a été signé à Abuja (Nigeria), mais qui n'a été accepté que par une partie des factions armées. Les implications géostratégiques du conflit, liées notamment au contrôle des ressources énergétiques (pétrole et uranium), les sanctions économiques américaines et la succession politique à Khartoum compliquent la résolution définitive du conflit, qui a déjà fait plusieurs milliers de morts et des millions de réfugiés. « Chaque jour qui passe apporte des souffrances et des destructions au Darfour, mais aussi une radicalisation sur le terrain », a déclaré, cité par les agences de presse, Salim Ahmed Salim, représentant de l'Union africaine à la réunion de Tripoli. L'ONU souhaite rassembler les initiatives diplomatiques pour trouver une solution à la crise du Darfour. Parallèlement, la France travaille en coulisse pour amener l'Union européenne à envoyer « une force intérimaire », en collaboration avec le Tchad, pour « protéger » les réfugiés. Paris tente de compenser l'échec de la proposition de son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, de créer « un corridor » humanitaire vers le Darfour. Khartoum a accepté à la mi-juin 2007 le déploiement de forces hybrides (ONU-UA) composées de plus de 23 000 hommes. Salim Ahmed Salim a insisté pour faire participer les populations du Darfour, qui vivent une situation humanitaire difficile, à la recherche d'une solution à la crise.