Poursuivant l'examen de l'affaire du séisme de mai 2003 et ce qu'il a provoqué comme dégâts dus à l'effondrement des bâtisses, le juge Redouane Benabdallah a entendu hier les 8 accusés poursuivis dans le cadre du dossier de la cité des 122 Logements de l'EPLF de Corso, à la salle de l'INH, à l'université de Boumerdès, transformée en tribunal. Boumerdès. De notre correspondant Premier à être entendu, le PDG de l'EPLF, Selkim Mohamed, poursuivi pour « homicide involontaire, blessures involontaires, fraude dans la qualité et la quantité des matériaux de construction et non-respect des normes et de la réglementation », a rejeté les accusations portées contre lui, arguant que lorsqu'il est arrivé à la tête du groupe en 1991, « l'infrastructure avait déjà été réalisée à 100% ». Interrogé sur l'« alternance de pas moins de 4 bureaux d'études et 7 entrepreneurs sur le chantier, parfois plusieurs intervenants pour le même bâtiment, la durée des travaux (12 ans), la cessation de contrôle par le CTC qui avait été instruit par le maître de l'ouvrage de mettre fin à ses activités dans le chantier » l'accusé a répondu que « cela était dû à la rupture des financements par la CNEP qui avait cessé de financer ces projets dès le début des années 1990 ». Mais le magistrat qui, faut-il le souligner, mène jusqu'ici ce procès d'une manière irréprochable, lui rappelle que lors de l'instruction, Selkim a répondu au juge instructeur que cela était en partie « dû à la dégradation de la situation sécuritaire ». Ce qui a polarisé les débats c'est l'occupation de ces logements avant que la cité ne soit réceptionnée définitivement. D'ailleurs, jusqu'au séisme de mai 2003, où l'on a perdu les 9 bâtiments la composant avec 85 décès, la cité, construite entre 1988 et 1996 (jusqu'à 2003 pour 40 logements) n'était pas encore réceptionnée. Le PDG de l'EPLF expliquera au juge que « la réception provisoire autorise le maître de l'ouvrage à faire occuper les logements ». Le deuxième accusé à défiler devant la barre était l'ingénieur du CTC chargé du contrôle et du suivi d'une partie du projet, M. Serkisti. Celui-ci dira au juge que pour ce qui est de la partie des travaux qu'il a supervisés, il a émis des réserves à chaque fois que cela s'avérait nécessaire. « J'ai même fait démolir des poteaux mal faits pour les refaire et j'ai recommandé une expertise totale du bâtiment n° 1 », a-t-il dit. Le juge a, par la suite, interrogé les entrepreneurs cités dans l'arrêt de renvoi, Boumezrag, Baya, Boulakakez, Taleb, Merzoug et Daid. Le juge a fait ressortir, à travers son interrogatoire, tout comme le procureur de la République, la « non-qualification » de certains parmi eux. En effet, Boumezrag a un certificat en comptabilité (CMTC) et n'avait à son actif aucune expérience lorsqu'il a été engagé par l'EPLF, son entreprise n'avait pas de moyens matériels et humains suffisants. Baya a le niveau de terminale, mais lui au moins déclare avoir beaucoup de moyens et une équipe de spécialistes autour de lui. Merzoug était tour à tour commissaire, chef de daïra et directeur au ministère de la Santé. Il a soutenu avoir suffisamment de moyens et de spécialistes au sein de son entreprise. Mais tous ont déclaré qu'ils n'étaient pas en situation irrégulière puisqu'ils avaient des registres dûment délivrés par les services compétents. Et à ce titre, ils pouvaient exercer normalement leur activité. Contredisant les conclusions des commissions ministérielles et celles de l'expertise judiciaire qu'a faite Mme Yahiaoui, la défense a insisté sur le fait que les 9 bâtiments de la cité avaient été réalisés conformément au règlement parasismique de 1988. Et si les bâtisses se sont écroulées, c'est uniquement à cause de la force du séisme, a-t-on insisté. Les deux expertises ont conclu à la « mauvaise exécution des travaux, le manque d'expérience des différents intervenants, la faiblesse de la gestion du projet, le mauvais choix du terrain qui est sablonneux et qui contient beaucoup d'eau et beaucoup de malfaçons dans la réalisation ». Mme Yahiaoui a expliqué que les 9 bâtiments de la cité ont été durement touchés parce qu'ils étaient érigés sur une nappe phréatique et un sol sablonneux. « Ce qui a provoqué la liquéfaction des sols », a-t-elle expliqué. Se basant sur les documents collectés par la justice, elle conclura aussi à une « dissymétrie structurale en plan et en élévation » qui aura été un facteur aggravant. L'absence de joints parasismiques a entraîné des martèlements entre les différents blocs, a-t-elle dit. La défense a axé ses questions sur ce qu'elle appelle l'« incompétence des membres de ces commissions » et la manière « peu convaincante » avec laquelle ils ont travaillé. L'un des entrepreneurs accusé dans cette affaire, Daid en l'occurrence, a affirmé devant le juge qu'il ne recevait pas de visites du CTC lors de la réalisation du projet. Ce qui a donné lieu à une polémique à la fin des audiences.