L'un des fleurons de l'industrie du froid en Algérie, l'unité Molière (place du 1er Mai), relevant de l'entreprise publique économique Mag Sahel, est en phase de fermeture définitive. Les travailleurs, par le biais du syndicat d'entreprise UGTA, criant au scandale, n'hésitent pas à pointer le doigt vers la direction générale de l'EPE en liquidation. « A notre connaissance, la fermeture doit recevoir l'aval du Conseil des participations de l'Etat (CPE, dépendant de la chefferie du gouvernement). Ce qui n'a probablement pas été le cas, puisque aucun document de cette institution ne nous est parvenu à ce jour », explique le secrétaire général du syndicat d'entreprise, Bachir Bousbaa. Les travailleurs tiennent à rappeler que l'unité a fait l'objet d'un avis de cession en mars 2005, c'est-à-dire sa mise à la vente. Un appel d'offres a été lancé juste après, ce qui prouvait, relèvent-ils, que l'unité était en bon état. Le cahier des charges stipule que tout fonctionnait bien, tant les bâtiments que les équipements. Un chapitre mentionne que l'unité est dotée de toutes les commodités, comme l'eau, l'électricité, le gaz de ville, la climatisation, le réseau d'assainissement, le réseau incendie, le téléphone et le poste de transformation électrique. Ces précisions de « taille », fera remarquer le syndicat, n'étaient pas sans l'intention des décideurs d'inciter l'acquéreur potentiel à concrétiser la transaction. Le cahier des charges dont nous avons obtenu une copie relatait aussi l'existence « en bon état » de machines génératrices de froid et donnait tous les détails des installations annexes. « Cette unité fonctionnait jusqu'au 31 décembre 2006 dans ses pleines capacités. Le chiffre d'affaires couvrait largement toutes les dépenses (salaires, dépenses d'exploitation, factures...) et dégageait même des bénéfices. Comment se fait-il que l'unité devienne subitement un danger pour l'environnement et par conséquent ‘‘invendable'', comme le laisse supposer la direction générale ? », s'interrogent les 27 travailleurs de l'unité. Ces derniers signalent qu'ils sont aptes à racheter l'outil de production, estimant que, conformément aux orientations de l'Etat, ils sont prioritaires, avant tout autre candidat. « Malheureusement, notre demande n'a pas été prise en considération. Au lieu de chercher un accord dans ce sens, la direction générale a préféré faire évacuer des lieux de gros clients comme l'Institut Pasteur, le groupe pharmaceutique Aventis, l'entreprise d'avitaillement maritime Avicat et le leader de l'importation des réactifs Maintel. Contre toute attente, on nous a signifié aussi la compression de 13 personnes », accuse le syndicat. Contactée, la direction générale de Mag Sahel, dont le siège est à Corso, relève que le motif de la fermeture est dû au fait que les installations présentent des menaces réelles sur l'environnement. « C'est une bombe à retardement. Si les gaz frigorifiques qui stagnent encore dans les machines venaient à se libérer, c'est tout le quartier qui sera affecté. Nous avons décidé de fermer le site et de négocier un plan social honorable pour toutes les parties avec le partenaire. Malheureusement, les voies du dialogue ont été rompues par le syndicat », affirme le PDG de l'entreprise, M. Saraa. Le premier responsable de Mag Sahel (entreprise issue de l'ex-Enafroid), s'appuie sur une expertise faîte par un bureau d'études étatique. Le document, faut-il le signaler, a été établi après que la SGP agroalimentaire (tutelle de Mag Sahel) eut décidé de mettre l'unité en vente. A la veille de sa disparition, Mag Sahel gère quatre complexes frigorifiques dont trois sont à l'arrêt (Molière, El Harrach et Tizi Ouzou). La quatrième unité, sise à Corso, où jonchent les « restes » d'une flotte de semi-remorques frigogorifiques, vient d'être vendue à un privé. Le complexe se compose de plusieurs bâtiments frigorifiques, l'assiette totale étant de 5,6 ha. « La vente a été opérée sans la consultation du partenaire social. Cela s'est passé dans l'opacité totale. Officiellement, nous ne savons pas qui a repris l'affaire », souligne le responsable syndical de l'unité, Chérif Chérifi.