En 1767, une série de crimes monstrueux terrifient la France. L'émotion est si forte que le roi Louis XV prend l'affaire en main et désigne un enquêteur pour élucider ces meurtres commis dans la région du Gévaudan où l'effroi s'est installé depuis que des femmes et des enfants ont été déchiquetés par ce qui s'apparente à une bête féroce. Ce fait divers historique a inspiré au réalisateur Patrick Volson son film La bête du Gévaudan, diffusé sur Arte. Traité comme un thriller psychologique, le film de Patrick Volson s'attache au thème du tueur en série pour renverser l'hypothèse selon laquelle les meurtres du Gévaudan avaient été commis par un loup. Il est d'ailleurs notable que Patrick Volson a tourné La bête du Gévaudan presque au même moment où le cinéaste Christophe Gans sortait Le pacte des loups. Les deux films ne se ressemblent pas, dans la mesure où celui de Patrick Volson est plus dépouillé, plus ouvertement empreint d'une veine documentariste que celui de Christophe Gans. Le point commun réside dans l'intérêt partagé des deux cinéastes pour un événement qui est resté gravé dans l'inconscient collectif français, du fait de l'horreur des crimes commis dans le Gévaudan. Patrick Volson souligne l'enjeu politique de l'affaire qui se déroule dans une région qui se remet à peine des soubresauts de l'action menée contre les protestants par l'Eglise de France. Le roi Louis XV qui a engagé des réformes pour moderniser la France ne pouvait voir que d'un mauvais œil les crimes du Gévaudan et le tort qu'ils pourraient faire à l'image du royaume. L'envoyé spécial de Louis XV sur les scènes des crimes est Pierre Rampal, un médecin qui va se transformer en détective sous la pression des événements et des habitants de cette Lozère, sous l'emprise des superstitions et des rumeurs. Rampal découvre vite que les notables de la province ne collaborent pas avec lui, car il est un étranger, tout émissaire du roi qu'il est, qui se mêlera des secrets que la bête du Gévaudan fait remonter à la surface. Le médecin n'est donc pas le bienvenu, car il peut rapporter au roi les conflits d'intérêts qui minent cette noblesse de province bien embarrassée de rompre la loi du silence. Le Gévaudan, où se produisent ces crimes en série, est une contrée sauvage dont les populations ne s'ouvrent pas au premier venu. Il faut donc livrer un coupable au roi et c'est un fermier solitaire, Chastel, qui est arrêté sans que cela puisse convaincre le docteur Rampal. Celui-ci, en tant que médecin, fonde ses conclusions sur l'observation d'indices probants. Il est persuadé que la bête du Gévaudan n'est pas un loup, comme semblent l'affirmer les notables, mais un individu qui a basculé dans une violence animale. A travers cette piste, Patrick Volson rejoint d'une certaine manière l'offre d'explication de Christophe Gans qui, dans Le pacte des loups, penche aussi pour le facteur humain dans cette affaire qui a défrayé la chronique historique. Patrick Volson et ses scénaristes, Brigitte Peskine et Daniel Vigne, se comportent en tenants de la modernité face à ce dossier auquel ils apportent l'éclairage des sociétés contemporaines avec leur lot de crimes en série. C'est un parti pris intellectuel contre la tentation de rattacher les événements sanglants du Gévaudan au surnaturel. Les auteurs actuels ont la possibilité d'explorer jusqu'à l'indicible, mais ce n'était pas le cas dans la France de Louis XV où toutes le vérités n'étaient pas bonnes à dire. L'affaire n'avait pas livré tous ses secrets et les crimes du Gévaudan ont pu traverser les âges comme des crimes restés impunis et non résolus. Le dossier laisse ouverte la question de savoir si la bête du Gévaudan était animale ou tapie au fond des hommes. Le film de Patrick Volson comme celui de Christophe Gans exorcisent d'une certaine manière la part de doute qui a longuement entouré ces drames que la mémoire n'a jamais pu refouler. Bien au contraire, le mystère a alimenté les peurs les plus irrationnelles et engendré une littérature qui a largement exploité la disponibilité d'esprits confus, prêts à croire à l'incroyable. Dans La bête du Gévaudan, Patrick Volson énonce clairement, ainsi, que c'est l'homme qui, dans cette affaire, est un loup pour l'homme.