Dans cet entretien, Ali Kahlane, DG de Satlinker, fait le point de la situation de l'évolution de l'internet en Algérie, plaidant notamment en faveur du développement d'une industrie du contenu qui soit à même de répondre aux besoins spécifiques des Algériens. Le nombre de sites web en Algérie semble insuffisant. Est-ce une impression ou une réalité ? Le nombre de sites web algériens (.dz) est de 320 sites (juillet 2006), selon l'Icann, l'institution qui gère les noms de domaines à l'échelle internationale. D'autres sources font état de 4000 sites internet. C'est une simple goutte dans l'océan du numérique comparativement par exemple au Maroc qui a près de 16 000 sites et 13 000 en Tunisie. Il faut signaler qu'il existe des différences parmi les diverses extensions. Les « .com » sont destinés aux sociétés commerciales, les « .net » aux acteurs de l'internet (fournisseurs d'accès, créateurs de site, hébergement), les « .org » sont attribués aux associations et organisations, et les « .dz », « .fr » et « .ca » sont destinés aux entreprises. Chaque jour, ce sont entre 20 000 et 40 000 noms de domaine qui sont enregistrés dans le monde ! Sommes-nous en retard sur le plan des nouvelles technologies de communication par rapport aux autres pays ? Les officiels aiment bien annoncer des chiffres et des technologies mais lorsqu'on a rien à offrir, on fait une fuite en avant. On joue l'effet d'annonce pour cacher la réalité qu'on est en train de vivre. On n'a pas envie de parler de la réalité, soit parce qu'elle n'existe pas, soit qu'elle n'est pas belle à raconter, donc on dit ce qu'on est capable de faire et que tout le monde est capable de faire. Seulement, internet est là pour nous donner toutes les informations qu'on veut. Si on parle de l'IPTV (la télévision sur internet), il suffit de surfer pendant toute une nuit et le lendemain, je peux vous faire une présentation en powerpoint sur l'IPTV et vous aurez l'impression que j'ai fait ça toute ma vie. Le Wimax, c'est à peu près la même chose, est-ce que cela veut dire que je maîtrise ces technologies ? Pourtant d'après les pouvoirs publics, l'Algérie ne cesse d'avancer sur le plan des nouvelle technologie de communciation... Par rapport aux autres pays, il est clair que nous sommes en train de mettre en place rapidement des moyens pour colmater la fracture numérique. Dans très peu de temps, nous allons dépasser nos voisins et les plus forts de notre continent mais à l'intérieur du pays, c'est une autre paire de manches. Dans les différentes opérations lancées à grand tapage publicitaire comme l'opération Ousratic, un PC par foyer, il est clair que ce qui a été annoncé n'est pas du tout ce que nous avons eu mais il faut être positif. Ce que peut annoncer le politique n'est pas toujours en conformité avec les réalités pour diverses raisons. Il y a l'inertie, les habitudes et surtout le fait que cette technologie malgré qu'elle soit comprise et utilisée par tout le monde, n'est pas absorbée par tous les acteurs supposés mettre en place ce programme. Du côté des banques par exemple, on leur a dit de faire en sorte à ce que tout un chacun puisse avoir son PC sans trop s'attarder sur les règles prudentielles. Il est clair que ça ne peut pas marcher. Les banques n'ont pas joué le jeu. Les opérateurs voient aussi le côté économique. Qu'en est-il de l'industrie du contenu ? C'est vrai que sur internet, il y a plein d'informations. Il suffit de taper Google et un flot de réponses nous est fourni. Mais est-ce que ces réponses sont celles qu'on veut, nous sommes algériens, nous avons nos spécificités, nous sommes musulmans, arabes et amazighs, est-ce que lorsque je veux comprendre d'où je viens Google me donnera la réponse. On a les machines et les tuyaux (ADSL). Algérie Télécom a déployé 40 000 km de fibres optiques, c'est merveilleux, très peu de pays de notre continent peuvent se targuer d'avoir fait mieux. Il est vrai que l'ADSL est de plus en plus fiable. La fracture se trouve à ce niveau, l'internet ne nous appartient pas dans les faits mais on peut se l'approprier, en remplissant les tuyaux avec ce que nous voulons en développant l'industrie du contenu.